tribut essentiel, mais comme designation,
signification, tout au plus qualification, c'est en effet nier qu'une
chose puisse etre predicat d'une chose. S'enquerir de la signification
principale, c'est examiner une question de logique abstraite; en un mot,
c'est au moins, quant a la forme, convertir la question en une question
d'oraison[86]. Il est donc vrai qu'Abelard semble souvent rechercher
uniquement ce que signifie une attribution de genre ou d'espece; et,
sous ce rapport, il tend a tout reduire a une question de langage.
[Note 86: Voyez c. VIII, p. 17, la citation de Jean de Salisbury et le
chap. suiv.]
Mais, independamment de ce que cette remarque est a peu pres commune
a toutes les discussions de la scolastique, ne sait-on pas qu'elle
pourrait a la rigueur et sur les premieres apparences s'appliquer a
presque toute recherche scientifique? On ne peut philosopher qu'avec des
mots, et la recherche de toute chose peut se reduire exterieurement a
l'etude de l'oraison. L'important, c'est que l'oraison ne soit pas vide;
c'est que les mots cadrent avec les choses; il suffit meme qu'elle
signifie des choses dans la pensee de l'auteur. Or assurement ici
Abelard a entendu donner les conditions memes de l'etre, en le
decomposant a tous les degres metaphysiques, en matiere et en forme; et
il est loin d'avoir cru n'agiter qu'une question de grammaire, ainsi que
le voulait et l'avouait l'ecole de Roscelin. Il n'en est pas moins vrai
qu'il pourrait bien n'avoir remue que des mots; mais c'est ce qui arrive
a toute theorie fausse, et ce reproche on pourrait en ce sens l'adresser
meme a Guillaume de Champeaux, si les essences universelles n'existent
pas, meme a Bernard de Chartres, si les idees eternelles sont une
chimere. Mais cette critique est d'un tout autre ordre, et jusqu'a
jugement definitif, tenons que le principe d'Abelard, c'est la
distinction de la matiere et de la forme appliquee a la constitution des
universaux.
Si l'espece se distingue du genre, c'est par la difference. La
difference est l'attribut essentiel et caracteristique, et non le simple
accident; et comme le genre plus la difference ou la matiere plus la
forme est une nouvelle essence, l'essence specifique, distincte de
l'essence generique, il est difficile de ne pas regarder la difference
ou la forme comme quelque chose de reel, comme ou moins un element
constituant de l'etre. Et en effet, Abelard, lorsqu'il n'argumente pas
contre le realisme, nous don
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