reduit en effet a distinguer dans chaque essence le tout
et les parties. Depuis la pure essence jusqu'au corps, l'essence recoit
les memes formes, soit dans le tout, soit dans les parties. A compter du
corps anime, il n'en est plus ainsi, et les formes qui affectent le
tout ne sont plus celles qui affectent les parties. Ainsi le tout d'une
espece d'animal est compose de parties qui pourraient etre d'autres
especes d'animaux. Le tout d'un homme est compose d'atomes qui ne sont
pas des hommes, mais des elements. Ou bien, si l'on tient a ne pas
s'ecarter de l'autorite des anciens qui veulent que les elements aient
precede ou les animaux ou les corps, il est loisible de faire remonter
la distinction plus haut et d'admettre qu'au moment ou le tout d'une
essence recoit la forme animal ou la forme corps, ses parties recoivent
simultanement la forme elements. C'est dans cette alternative qu'Abelard
vous abandonne.
Apres tout, ce n'est la qu'une objection discutee, et la discussion des
objections et des textes, c'est-a-dire la controverse proprement dite,
couvre et obscurcit l'exposition de la doctrine meme. Celle d'Abelard
est contenue dans la distinction de la matiere et de la forme
appliquee a la constitution du genre et de l'espece. La est sa pensee
fondamentale, son systeme, sa doctrine. Et ce n'est pas, chose etrange,
ce qu'on loue, ce qu'on blame, ce qu'on discute en lui. En verite,
lorsque je vois comment et ses contemporains et leurs successeurs ont
qualifie et juge son systeme, je me prends a croire qu'ils ne l'ont pas
connu, ou qu'ils ont seulement connu soit la partie polemique de ce
systeme, soit des idees soutenues par lui au temps de sa vie militante;
tandis que nous le jugeons ici sur quelque ouvrage tardivement compose
ou revu, temoignage supreme de ses opinions modifiees par l'experience
et ramenees a leur forme derniere. Ce qui est assure, c'est qu'avec le
fragment que nous etudions, on ne comprend point comment, par trois
fois, Jean de Salisbury a pu lui imputer d'avoir substitue l'oraison au
nom dans la definition des universaux. Nous le comprendrons mieux
au chapitre suivant. Le seul point essentiel, c'est qu'il insistait
beaucoup sur la _predication_ de l'espece. Dire que l'espece se
i>predit_ ou plutot s'affirme, et rechercher comment et dans quelle
condition elle est ainsi attribuee, c'est bien en effet l'etudier comme
element de la proposition. Vouloir qu'elle ne s'affirme pas comme
inherente, comme at
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