n Auvergne qu'a l'age
d'homme, etait moins aguerri que moi.
Je commencai, ce jour-la, a faire quelques reflexions sur les
puissants accidents de la nature au milieu desquels j'avais grandi
sans m'en etonner, et, au bout d'un instant de silence, me retournant
vers la roche Sanadoire, je demandai a mon maitre _qu'est-ce qui avait
fait_ ces choses-la.
--C'est Dieu qui a fait toutes choses, repondit-il, vous le savez
bien.
--Je sais; mais pourquoi a-t-il fait des endroits qu'on dirait tout
casses, comme s'il avait voulu les defaire apres les avoir faits?
La question etait fort embarrassante pour maitre Jean, qui n'avait
aucune notion des lois naturelles de la geologie et qui, comme la
plupart des gens de ce temps-la, mettait encore en doute l'origine
volcanique de l'Auvergne. Cependant, il ne lui convenait pas d'avouer
son ignorance, car il avait la pretention d'etre instruit et beau
parleur. Il tourna donc la difficulte en se jetant dans la mythologie
et me repondit emphatiquement:
--Ce que vous voyez la, c'est l'effort que firent les titans pour
escalader le ciel.
--Les titans! qu'est-ce que c'est que cela? m'ecriai-je voyant qu'il
etait en humeur de declamer.
--C'etait, repondit-il, des geants effroyables qui pretendaient
detroner Jupiter et qui entasserent roches sur roches, monts sur
monts, pour arriver jusqu'a lui; mais il les foudroya, et ces
montagnes brisees, ces autres eventrees, ces abimes, tout cela, c'est
l'effet de la grande bataille.
--Est-ce qu'ils sont tous morts? demandai-je.
--Qui ca? les titans?
--Oui; est-ce qu'il y en a encore?
Maitre Jean ne put s'empecher de rire de ma simplicite, et, voulant
s'en amuser, il repondit:
--Certainement, il en est reste quelques-uns.
--Bien mechants?
--Terribles!
--Est-ce que nous en verrons dans ces montagnes-ci?
--Eh! eh! cela se pourrait bien.
--Est-ce qu'ils pourraient nous faire du mal?
--Peut-etre! mais, si tu en rencontres, tu te depecheras d'oter ton
chapeau et de saluer bien bas.
--Qu'a cela ne tienne! repondis-je gaiement.
Maitre Jean crut que j'avais compris son ironie et songea a autre
chose. Quant a moi, je n'etais point rassure, et, comme la nuit
commencait a se faire, je jetais des regards mefiants sur toute roche
ou sur tout gros arbre d'apparence suspecte, jusqu'a ce que, me
trouvant tout pres, je pusse m'assurer qu'il n'y avait pas la forme
humaine.
Si vous me demandiez ou est situee la paroisse de Cha
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