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l'air etait glace. Il me sembla que les recherches du maitre duraient
un siecle. Ce lieu desert devait servir de refuge a des bandes de
loups, et, malgre sa maigreur, Bibi eut fort bien pu les tenter.
J'etais en ce temps-la plus maigre encore que lui; je ne me sentis
pourtant pas rassure pour moi-meme. Je trouvais le pays affreux et
ce que le maitre appelait une partie de plaisir s'annoncait pour moi
comme une expedition grosse de dangers. Etait-ce un pressentiment?
Enfin il reparut, disant que c'etait le bon chemin et nous repartimes
au petit trot de Bibi, qui ne paraissait nullement demoralise d'entrer
dans la montagne.
Aujourd'hui, de belles routes sillonnent ces sites sauvages, en partie
cultives deja; mais, a l'epoque ou je les vis pour la premiere fois,
les voies etroites, inclinees ou relevees dans tous les sens, allant
au plus court n'importe au prix de quels efforts, n'etaient point
faciles a suivre. Elles n'etaient empierrees que par les ecroulements
fortuits des montagnes, et, quand elles traversaient ces plaines
disposees en terrasses, il arrivait que l'herbe recouvrait frequemment
les traces des petites roues de chariot et des pieds non ferres des
chevaux qui les trainaient.
Quand nous eumes descendu jusqu'aux rives dechirees d'un torrent
d'hiver, a sec pendant l'ete, nous remontames rapidement, et, en
tournant le massif expose au nord, nous nous retrouvames vers le midi
dans un air pur et brillant. Le soleil sur son declin enveloppait le
paysage d'une splendeur extraordinaire et ce paysage etait une des
plus belles choses que j'ai vues de ma vie. Le chemin tournant, tout
borde d'un buisson epais d'epilobes roses, dominait un plan ravine au
flanc duquel surgissaient deux puissantes roches de basalte d'aspect
monumental, portant a leur cime des asperites volcaniques qu'on eut pu
prendre pour des ruines de forteresses.
J'avais deja vu les combinaisons prismatiques du basalte dans mes
promenades autour de Clermont, mais jamais avec cette regularite et
dans cette proportion. Ce que l'une de ces roches avait d'ailleurs de
particulier, c'est que les prismes etaient contournes en spirale et
semblaient etre l'ouvrage a la fois grandiose et coquet d'une race
d'hommes gigantesques.
Ces deux roches paraissaient, d'ou nous etions, fort voisines l'une de
l'autre; mais en realite elles etaient separees par un ravin a pic
au fond duquel coulait une riviere. Telles qu'elles se presentaient,
elles servaient d
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