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et on aurait dit qu'il se serait cru degrade s'il eut passe une nuit ici
ailleurs que sous le toit de son vieux chateau.
--J'irai voir cette chambre, dit Marcelle, et pour peu qu'on y puisse
dormir a couvert, c'est tout ce qu'il me faut. En attendant, je vous
supplie de ne rien deranger chez vous. Je ne veux en aucune facon vous
etre a charge.
Rose exprima le desir qu'elle aurait au contraire a ceder son
appartement a madame de Blanchemont, dans des termes si aimables et avec
une physionomie si prevenante, que Marcelle lui prit doucement la main
pour la remercier, mais sans changer de resolution. L'aspect du chateau
neuf, joint a une repugnance instinctive pour madame Bricolin, lui
firent refuser obstinement l'hospitalite qu'elle avait fini par accepter
de grand coeur au moulin.
Elle se debattait encore contre les ceremonieuses importunites de la
fermiere, lorsque M. Bricolin arriva.
VIII.
LE PAYSAN PARVENU.
M. Bricolin etait un homme de cinquante ans, robuste et d'une figure
reguliere. Mais l'embonpoint avait envahi ses membres ramasses, ainsi
qu'il arrive a tous les campagnards a leur aise, qui, passant leurs
journees au grand air, a cheval la plupart du temps, et menant une vie
active mais non penible, ont juste assez de fatigue pour entretenir
l'exuberance de leur sante et la complaisance de leur appetit. Grace
a ce stimulant d'un air vif et d'un exercice continuel, ces hommes
supportent quelque temps sans malaise des exces de table journaliers,
et, quoique dans leurs occupations champetres ils soient vetus d'une
maniere peu differente des paysans, il est impossible de les confondre
avec eux, meme au premier coup d'oeil. Tandis que le paysan est toujours
maigre, bien proportionne et d'un teint basane qui a sa beaute, le
bourgeois de campagne est toujours, des l'age de quarante ans, afflige
d'un gros ventre, d'une demarche pesante et d'un coloris vineux qui
vulgarisent et enlaidissent les plus belles organisations.
Parmi ceux qui ont fait leur fortune eux-memes et qui ont commence leur
vie par la sobriete forcee du paysan, on ne trouverait guere d'exception
a cet epaississement de la forme et a cette alteration de la peau. Car
c'est une observation proverbiale que lorsque le paysan commence a se
nourrir de viande et a boire du vin a discretion, il devient incapable
de travailler, et que le retour a ses premieres habitudes lui serait
infailliblement et promptement mortel. On peut donc dire
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