res bien des coleres et des menaces, consente
a me donner a lui; que ma mere, effrayee de l'exemple de ma soeur, aime
mieux sacrifier ses repugnances que de me voir tomber malade, tout cela
n'est guere probable.... Mais enfin, pour en arriver la, voyez donc que
de disputes, que de scenes, que d'embarras!
--Vous avez peur, vous n'aimez pas, vous dis-je; vous pouvez avoir
raison, c'est pourquoi il faut eloigner le Grand-Louis.
Ce conseil, sur lequel Marcelle revenait toujours, ne paraissait
nullement du gout de Rose. L'amour du meunier flattait extremement son
amour-propre, surtout depuis que madame de Blanchemont l'avait tant
releve a ses yeux, et peut-etre aussi, a cause de la rarete du fait. Les
paysans sont peu susceptibles de passion, et dans le monde bourgeois ou
Rose vivait, la passion devenait de plus en plus inouie et inconnue, au
milieu des preoccupations de l'interet. Rose avait lu quelques romans;
elle etait fiere d'inspirer un amour disproportionne, impossible,
et dont, un jour ou l'autre, tout le pays parlerait peut-etre avec
etonnement. Enfin, le Grand-Louis etait la coqueluche de toutes les
paysannes, et il n'y avait pas assez de distance entre leur race et la
bourgeoisie de fraiche date des Bricolin, pour qu'il n'y eut pas quelque
enivrement a l'emporter sur les plus belles filles de l'endroit.
--Ne croyez pas que je sois lache, dit Rose apres un instant de
reflexion. Je sais fort bien repondre a maman quand elle accuse
injustement ce pauvre garcon, et si, une fois, je m'etais mis en tete
quelque chose, aidee de vous qui avez tant d'esprit, et que mon pere
desire tant se rendre favorable dans ce moment-ci... je pourrais bien
triompher de tout. D'abord je vous declare que je ne perdrais pas la
tete, comme ma pauvre soeur! Je suis obstinee et on m'a toujours trop
gatee pour ne pas me craindre un peu. Mais je vais vous dire ce qui me
couterait le plus.
--Voyons, Rose, j'ecoute.
--Que penserait-on de moi dans le pays, si je faisais ces esclandres-la
dans ma famille? Toutes mes amies, jalouses peut-etre de l'amour que
j'inspirerais, et qu'elles ne trouveront jamais dans leurs mariages
d'argent, me jetteraient la pierre. Tous mes cousins et pretendants,
furieux de la preference donnee a un paysan sur eux, qui se croient d'un
si grand prix, toutes les meres de famille, effrayees de l'exemple que
je donnerais a leurs filles, enfin les paysans eux-memes, jaloux de
voir un d'entre eux faire ce qu'ils appe
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