de leurs titres, ils attendaient, M. Bricolin tout le
premier, que la veuve s'informat de sa position pour lui demander le
paiement integral ou la continuation du revenu que l'emprunt leur
assurait. Lorsqu'elle demanda a Bricolin pourquoi, depuis un mois
qu'elle etait veuve, il ne lui avait pas fait connaitre l'etat de ses
affaires, il lui repondit avec une brutale franchise qu'il n'avait pas
de raison pour se presser, que sa creance etait bonne, et que chaque
jour d'indifference de la part du proprietaire etait un jour de profit
pour le fermier, pendant lequel il cumulait les interets de son argent
sans rien aventurer. Ce raisonnement peremptoire eclaira promptement
Marcelle sur le genre de moralite de M. Bricolin.
--C'est juste, lui repondit-elle en souriant avec une ironie que le
fermier ne daigna pas comprendre. Je vois que c'est ma faute si chaque
jour que je laisse ecouler devore plus que le revenu auquel je croyais
pouvoir pretendre. Mais, dans l'interet de mon fils, je dois mettre
un terme a cette espece de debacle, et j'attends de vous, monsieur
Bricolin, un bon conseil a cet egard.
M. Bricolin, tres surpris du calme avec lequel la dame de Blanchemont
venait d'apprendre qu'elle etait a peu pres ruinee, et encore plus de la
confiance avec laquelle elle le consultait, la regarda entre les deux
yeux. Il vit dans sa physionomie une sorte de defi malicieux porte par
la plus parfaite candeur a sa cupidite.
--Je vois bien, dit-il, que vous voulez me tenter, mais je ne veux pas
m'exposer a des reproches de la part de votre famille. Cela fait tort a
un homme d'etre accuse de complaisance interessee a des prets usuraires.
Il faut, madame de Blanchemont, que je vous parle serieusement; mais ici
les murs sont trop minces, et ce que j'ai a vous dire n'a pas besoin
d'etre ebruite. Si vous voulez faire semblant de venir avec moi examiner
le vieux chateau, je vous dirai, 1 deg. ce que je vous conseillerais de
faire si j'etais votre parent; 2 deg. ce que, etant votre creancier, je
desire que vous fassiez; vous verrez s'il y a un troisieme avis a
examiner. Je ne le pense pas.
Si le vieux chateau n'eut pas ete entoure d'orties, de mares stagnantes
et fetides, et de mille decombres mutiles qui n'avaient plus aucune
autre physionomie que celle d'un desordre barbare, c'eut ete un debris
du passe assez pittoresque. Il y avait un reste de fosse avec de grands
roseaux, de superbes lierres sur toute une face du batiment, et un
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