sans vous en
douter, depuis que vous etes ici!
--Et comment cela?...
--Ah! dame! nous causerons de cela plus tard, dit le meunier d'un air
mysterieux, et avec un sourire ou le serieux de sa passion faisait un
etrange contraste avec l'enjouement de son caractere.
Le depart du meunier et des domestiques ayant ete resolu d'un commun
accord pour le soir meme, _a la fraiche_, comme disait Grand-Louis,
Marcelle, n'ayant plus que quelques instants pour ecrire avant le diner
de la ferme, traca rapidement les deux billets suivants:
PREMIER BILLET.
_Marcelle, baronne de Blanchemont, a la comtesse
de Blanchemont, sa belle-mere._
"Chere maman,
"Je m'adresse a vous comme a la plus courageuse des femmes et a la
meilleure tete de la famille, pour vous annoncer et vous charger
d'annoncer au respectable comte et a nos autres chers parents, une
nouvelle qui vous affectera, j'en suis sure, plus que moi. Vous m'avez
souvent fait part de vos apprehensions, et nous avons trop cause du
sujet qui m'occupe en ce moment pour que vous ne m'entendiez pas a
demi-mot. _Il n'y a plus rien_ (mais rien) _de la fortune d'Edouard_.
De la mienne, il reste deux cent cinquante mille ou trois cent mille
francs. Je ne connais encore ma situation que par un homme qui serait
interesse a exagerer le desastre, si la chose etait possible, mais qui
a trop de bon sens pour tenter de me tromper, puisque demain,
apres-demain, je puis m'instruire par moi-meme. Je vous renvoie le bon
Lapierre, et n'ai pas besoin de vous engager a le reprendre chez vous.
Vous me l'aviez donne pour qu'il mit un peu d'ordre et d'economie dans
les depenses de la maison. Il a fait son possible; mais qu'etait-ce que
ces epargnes domestiques, lorsqu'au dehors la prodigalite etait sans
controle et sans limites? De petites raisons qu'il vous expliquera
lui-meme me forcent a brusquer son depart; voila pourquoi je vous ecris
en courant, et sans entrer dans des details que je ne possede pas
moi-meme, et qui viendront plus tard. Je tiens a ce que Lapierre vous
voie seule et vous remette ceci, afin que vous ayez quelques heures ou
quelques jours au besoin pour preparer le comte a cette revelation. Vous
l'adoucirez en lui disant mille fois tout ce que vous savez de moi,
combien je suis indifferente aux jouissances de la richesse, et combien
je suis incapable de maudire qui que ce soit et quoi que ce soit dans le
passe. Comment ne pardonnerais-je pas a celui qui a eu le malheur de
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