llent un gros mariage, me
poursuivraient de leur blame et de leurs moqueries. "Voila une folle,
dirait l'un; c'est dans le sang, et bientot elle mangera de la viande
crue comme sa soeur. Voila une sotte, dirait l'autre, qui prend un
paysan, pouvant epouser un homme de sa sorte! Voila une mechante fille,
dirait tout le monde, qui fait de la peine a des parents qui ne lui ont
pourtant jamais rien refuse. Oh! l'effrontee, la devergondee, qui fait
tout ce scandale pour un manant parce qu'il a cinq pieds huit pouces!
Pourquoi pas pour son valet de charrue? pourquoi pas pour l'oncle
Cadoche, qui va mendiant de porte en porte?" Enfin, cela ne finirait
pas, et je crois que ce n'est pas joli pour une jeune fille de s'exposer
a tout cela pour l'amour d'un homme.
--Ma chere Rose, dit Marcelle, vos dernieres objections ne me paraissent
pas si serieuses que les premieres, et pourtant je vois que vous
auriez beaucoup plus de repugnance a braver l'opinion publique que
la resistance de vos parents. Il faudra que nous examinions murement
ensemble, le pour et le contre, et comme vous m'avez raconte votre
histoire, je vous dois la mienne. Je veux vous la raconter, bien que
ce soit un secret, tout le secret de ma vie mais il est si pur qu'une
demoiselle peut l'entendre. Dans quelque temps, ce n'en sera plus un
pour personne, et, en attendant, je suis certaine que vous le garderez
fidelement.
--Oh! Madame, s'ecria Rose en se jetant au cou de Marcelle, que vous
etes bonne! on ne m'a jamais dit de secrets, et j'ai toujours eu envie
d'en savoir un afin de le bien garder. Jugez si le votre me sera sacre!
Il m'instruira de bien des choses que j'ignore; car il me semble qu'il
doit y avoir une morale en amour comme en toutes choses, et personne ne
m'en a jamais voulu parler, sous pretexte qu'il n'y a pas ou qu'il ne
doit pas y avoir d'amour. Il me semble pourtant bien... mais parlez,
parlez, ma chere madame Marcelle! Je me figure qu'en ayant votre
confiance, je vais avoir votre amitie.
--Pourquoi non, si je puis esperer d'etre payee de retour? dit Marcelle
en lui rendant ses caresses.
--Oh! mon Dieu! dit Rose dont les yeux se remplirent de larmes; ne le
voyez-vous pas que je vous aime? que des la premiere vue mon coeur a ete
vers vous, et qu'il est a vous tout entier, depuis seulement un jour que
je vous connais? Comment cela se fait-il? je n'en sais rien. Mais je
n'ai jamais vu personne qui me plut autant que vous. Je n'en ai vu que
dans
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