les livres, et vous me faites l'effet d'etre, a vous seule, toutes
les belles heroines des romans que j'ai lus.
--Et puis, ma chere enfant, votre noble coeur a besoin d'aimer! Je
tacherai de n'etre pas indigne de l'occasion qui me favorise.
La petite Fanchon etait deja installee dans le cabinet voisin, et
deja elle ronflait de facon a couvrir la voix des chouettes et des
engoulevents qui commencaient a s'agiter dans les combles des vieilles
tours. Marcelle s'assit aupres de la fenetre ouverte, d'ou l'on voyait
briller les etoiles sereines dans un ciel magnifiquement pur, et prenant
la main de Rose, dans les siennes, elle parla ainsi qu'il suit:
XIV.
MARCELLE.
"Mon histoire, chere Rose, ressemble, en effet, a un roman; mais c'est
un roman si simple et si peu nouveau qu'il ressemble a tous les romans
du monde. Le voici en aussi peu de mots que possible.
"Mon fils, a l'age de deux ans, etait d'une sante si mauvaise, que je
desesperais de le sauver. Mes inquietudes, ma tristesse, les soins
continuels dont je ne voulais me remettre a personne, me fournirent une
occasion toute naturelle de me retirer du monde, ou je n'avais fait
qu'une courte apparition, et pour lequel je n'avais aucun gout. Les
medecins me conseillerent de faire vivre mon enfant a la campagne. Mon
mari avait une belle terre a vingt lieues de celle-ci, comme vous savez;
mais la vie bruyante et licencieuse qu'il y menait avec ses amis, ses
chevaux, ses chiens et ses maitresses, ne m'engageait pas a m'y retirer,
meme aux epoques ou il vivait a Paris. Le desordre de cette maison,
l'insolence des valets dont on souffrait le pillage, ne pouvant leur
payer regulierement leur salaire, un entourage de voisins de mauvais
ton, me furent si bien depeints par mon vieux Lapierre, qui y avait
passe quelque temps, que je renoncai a y tenter un etablissement. M. de
Blanchemont, ne se souciant pas que je vinsse vivre ici, a portee de
connaitre ses dereglements, me fit croire que ce lieu-ci etait affreux,
que le vieux chateau etait inhabitable, et, sous ce dernier rapport,
il ne faisait qu'exagerer un peu, vous en conviendrez. Il parla de
m'acheter une maison de campagne aux environs de Paris; mais ou eut-il
pris de l'argent pour cette acquisition, lorsqu'a mon insu il etait deja
a peu pres ruine?
"Voyant que ses promesses n'aboutissaient a rien et que mon fils
deperissait, je me hatai de louer a Montmorency (un village pres de
Paris dans une situation admi
|