, en attendant, consacrer la
moindre partie possible de mon humble revenu a mes besoins et a la
bonne education de mon fils, afin d'avoir toujours de quoi assister les
pauvres qui viendront frapper a ma porte. C'est la, je crois, tout ce
que je peux faire, s'il ne se forme pas bientot une association vraiment
sainte, une sorte d'eglise nouvelle, ou quelques croyants inspires
appelleront a eux leurs freres pour les faire vivre en commun sous les
lois d'une religion et d'une morale qui repondent aux nobles besoins de
l'ame et aux lois de la veritable egalite. Ne me demandez pas quelles
seraient precisement ces lois. Je n'ai pas mission de les formuler,
puisque Dieu ne m'a pas donne le genie de les decouvrir, toute mon
intelligence se borne a pouvoir les comprendre quand elles seront
revelees, et mes bons instincts me forcent a rejeter les systemes qui se
posent aujourd'hui un peu trop fierement sous des noms divers. Je
n'en vois encore aucun ou la liberte morale se trouve respectee, ou
l'atheisme et l'ambition de dominer ne se montrent par quelque
endroit. Vous avez entendu parler peut-etre des saint-simoniens et des
fourieristes. Ce sont la des systemes encore sans religion et sans
amour, des philosophies avortees, a peine ebauchees, ou l'esprit du mal
semble se cacher sous les dehors de la philanthropie. Je ne les juge pas
absolument, mais j'en suis repoussee comme par le pressentiment d'un
nouveau piege tendu a la simplicite des hommes.
"Mais il se fait tard, ma bonne Rose, et vos beaux yeux qui brillent
encore luttent pourtant contre la fatigue de m'ecouter. Je n'ai rien a
conclure pour vous de tout ceci; sinon que nous sommes toutes les
deux aimees par des hommes pauvres, et que l'une de nous aspire a
s'affranchir de l'alliance des riches, tandis que l'autre hesite et
s'effraie de leur opinion.
--Ah! Madame, dit Rose, qui avait ecoute Marcelle avec une religieuse
attention, que vous etes grande et bonne! comme vous savez aimer, et
comme je comprends bien maintenant pourquoi je vous aime! Il me semble
que votre histoire et l'explication de votre conduite m'ont fait grossir
la tete de moitie! Quelle triste et mesquine vie nous menons, au prix
de celle que vous revez! Mon Dieu, mon Dieu! je crois que je mourrai le
jour ou vous partirez d'ici!
--Sans vous, chere Rose, je serais fort pressee, je vous le confesse,
d'aller batir ma chaumiere aupres de celle de plus pauvres gens; mais
vous me ferez aimer votre ferme, e
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