s me devez votre appui et votre protection, maintenant
que je vais m'isoler d'une famille pleine de sollicitude et de bonte,
mais que je quitte et vais combattre par la seule raison qu'elle ne
partage pas vos principes. Ce que je vous ai ecrit, il y a deux jours,
en quittant Paris, est donc pleinement et facilement confirme par ce
billet. Je ne vous appelle pas aupres de moi maintenant, je ne le dois
pas, et la prudence, d'ailleurs, exige que je reste assez longtemps sans
vous voir, pour qu'on n'attribue pas a mes sentiments pour vous l'exil
que je m'impose. Je ne vous dis pas le lieu que j'aurai choisi pour ma
retraite, je l'ignore. Mais dans un an, Henri, cher Henri, a partir du
15 aout, vous viendrez me rejoindre ou je serai fixee alors et ou je
vous appellerai. Jusque la, si vous ne partagez pas ma confiance en
moi-meme, j'aime mieux que vous ne m'ecriviez pas.... Mais aurai-je la
force de vivre un an sans rien savoir de vous! Non, ni vous non plus!
Ecrivez donc deux mots, seulement pour dire: _J'existe et j'aime!_
Et vous adresserez pour moi a mon fidele vieux Lapierre a l'hotel de
Blanchemont. Adieu, Henri. Oh! si vous pouviez lire dans mon coeur et
voir que je vaux mieux que vous ne pensez!--Edouard se porte bien, il ne
vous oublie pas. Lui seul desormais me parlera de vous.
M. B."
Ayant cachete ces deux lettres, Marcelle qui n'avait plus d'autre vanite
au monde que la beaute angelique de son fils, rafraichit un peu la
toilette d'Edouard, et traversa la cour de la ferme. On l'attendait
pour diner, et, pour lui faire honneur, on avait mis le couvert dans le
salon, vu qu'on n'avait pas d'autre salle a manger que la cuisine, ou
l'on ne craignait pas de salir les meubles, et ou madame Bricolin
se trouvait beaucoup plus a portee des mets qu'elle confectionnait
elle-meme avec l'aide de sa belle-mere et de sa servante; Marcelle
s'apercut bientot de celle derogation aux habitudes de la famille.
Madame Bricolin, dont l'empressement etait instinctivement empreint
de la mauvaise humeur qui constitue la seule mauvaise education en ce
genre, eut soin de l'en instruire en lui demandant a tout propos pardon
de ce que le service se faisait si mal et deroutait completement ses
servantes. Marcelle demanda et exigea des lors qu'on reprit le lendemain
les habitudes de la maison, assurant avec un sourire enjoue, qu'elle
irait diner au moulin d'Angibault, si on la traitait avec ceremonie.
--Et a propos de moulin, dit madame Brico
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