ant, de mon epoux futur. Je voulais
imiter son exemple, et dissiper ma fortune personnelle en l'appliquant
a ce qu'au couvent nous appelions les bonnes oeuvres, a ce que Lemor
appelle l'oeuvre de remuneration, a ce qui est juste envers les hommes
et agreable a Dieu dans toutes les religions et dans tous les temps.
J'etais libre de faire ce sacrifice sans nuire a ce que les riches
auraient appele le bonheur futur de mon fils, puisque je le croyais
encore destine a un heritage considerable; et, d'ailleurs, dans mes
idees a moi, en m'abstenant de jouir de ses revenus durant les longues
annees de sa minorite, en accumulant et en placant les rentes, j'aurais
travaille aussi a son bonheur. C'est-a-dire que l'elevant dans
des habitudes de sobriete et de simplicite, et lui communiquant
l'enthousiasme de ma charite, je l'aurais mis a meme un jour de
consacrer a ces memes bonnes oeuvres une fortune considerable, augmentee
par mon economie et par le devoir que je m'imposais de n'en jouir en
aucune facon pour mon propre compte, malgre les droits que la loi me
donnait a cet egard. Il me semblait que cette ame si naive et si tendre
de mon enfant repondrait a mon enthousiasme, et que j'entasserais ces
richesses terrestres pour son salut futur. Riez-en un peu, si vous
voulez, chere Rose; mais il me semble encore que je reussirai, dans des
conditions plus restreintes, a faire envisager les choses a mon Edouard
sous ce point de vue. Il n'a plus a heriter de son pere, et ce qui me
reste lui sera desormais consacre dans le meme but. Je ne me crois plus
le droit de me depouiller de ce peu d'aisance qui nous est laissee
a tous d'eux. Je me figure que rien ne m'appartient plus en propre,
puisque mon fils n'a plus rien de certain a attendre que de moi. Cette
pauvrete, dont j'aurais pu faire voeu pour moi seule, c'est un bapteme
nouveau que Dieu ne me permet peut-etre pas d'imposer a mon enfant
avant qu'il soit en age de l'accepter ou de le rejeter librement.
pouvons-nous, etant nes dans le siecle, et ayant donne la vie a des
etres destines aux jouissances et au pouvoir dans la societe, les priver
violemment et sans les consulter, de ce que la societe considere comme
de si grands avantages et des droits si sacres? Dans ce _sauve qui peut_
general ou la corruption de l'argent a lance tous les humains, si je
venais a mourir en laissant mon fils dans la misere avant le temps
necessaire pour lui enseigner l'amour du travail, a quels vices, a
quelle
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