and Musset est rentre a Paris, et qu'a son
silence elle a craint un moment de l'avoir perdu, ne lui a-t-elle pas
ecrit: "Oh! mon enfant! mon enfant! que j'ai besoin de ta tendresse et
de ton pardon! Ne me parle pas du mien, ne me dis pas que tu as eu des
torts envers moi; qu'en sais-je? Je ne me souviens plus de rien
sinon que nous avons ete bien malheureux et que nous nous sommes
quittes[93]..."
[Note 93: _Revue de Paris_ du 1er nov. 1896, p. 7.]
Musset egalement, en parlant de Venise, desespere d'elle et de
lui-meme, ne lui jette-t-il pas cet aveu "qu'il a merite de la
perdre[94]"..._--Lettres d'amants encore enchaines l'un a l'autre!--C'est
par des documents plus precis que nous parviendrons a reconstituer le
vraisemblable de leur navrante histoire.
[Note 94: V. plus loin.]
Voila donc le docteur Pagello en relations suivies avec George Sand et
Alfred de Musset (fevrier 1834), tout heureux de se rapprocher enfin de
la belle etrangere de l'hotel Danieli. Rendons la parole a son journal.
Si je fus assidu au lit de ce malade, vous pouvez l'imaginer. George
Sand veillait avec moi des nuits entieres, a son chevet. Ces veillees
n'etaient pas muettes et les graces, l'esprit eleve, la douce
confiance que me montrait la Sand, m'enchainaient a elle tous les
jours, a toute heure et a chaque instant davantage. Nous parlions de
la litterature, des poetes et des artistes italiens; de Venise, de son
histoire, de ses monuments, de ses coutumes; mais a chaque nouveau
trait, elle m'interrompait en me demandant a quoi je pensais. Confus
de me sentir surpris a etre ainsi absorbe, en causant avec elle, je me
prodiguais en excuses, devenant rouge comme braise, tandis qu'elle me
disait avec un sourire presque imperceptible et un regard de la plus
fine expression: "Oh! docteur, je vous ennuie beaucoup avec mes mille
questions!" Je restais muet.
Un soir qu'Alfred de Musset nous pria de nous eloigner de son lit
parce qu'il se sentait passablement bien et avait envie de dormir,
nous nous assimes a une table pres de la cheminee.
Eh bien! madame, lui dis-je, vous avez l'intention d'ecrire un roman
qui parle de la belle Venise?
--Peut-etre..., repondit-elle, puis elle prit un feuillet et se mit
a ecrire avec la fougue d'un improvisateur. Je la regardais etonne,
contemplant ce visage ferme, severe, inspire; puis, respectueux de ne
pas la troubler, j'ouvris un volume de Victor Hugo qui eta
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