et de ma vanite. Mais ce que j'ai dans
l'ame ne mourra pas sans en etre sorti.
[Note 125: La 2e _Lettre d'un voyageur_.]
Il devore _Wertlier_ et la _Nouvelle Heloise_, ces folies sublimes dont
il s'est tant moque jadis. Il est ravage par sa douleur. Il s'occupe
pourtant toujours des affaires de son amie,--et toujours il pense a lui
parler de Pagello:
Dis a Pietro que je voudrais bien lui ecrire; mais je ne puis pas; je
l'aime sincerement et de tout mon coeur, mais je ne peux lui ecrire.
Il sait a present pourquoi. (_Lettre du 10 mai_.)
Paul de Musset, dans la _Biographie_, expose longuement cet etat navrant
de l'ame de son frere pendant les premiers mois de son retour. Apres
d'infructueux essais de distraction, dans le monde et parmi d'anciens
compagnons de plaisir, il retombait dans son besoin farouche de
sequestration. Il subissait maintenant son chagrin. La musique le
bercait dans une amere volupte. Certain concerto de Hummel que lui
jouait sa jeune soeur et qui lui rappelait de douces soirees de Venise,
l'arrachait par un enchantement soudain a cette morne solitude. Mais il
n'y retombait que plus desespere. Paul de Musset a donne des fragments
d'un ouvrage inacheve de son frere, _le Poete dechu_, ou cinq ans plus
tard il retracait fidelement ce douloureux temps d'epreuve[126]:
[Note 126: _Biographie_, pp. 128-130.]
"Je crus d'abord n'eprouver ni regret ni douleur de mon abandon. Je
m'eloignai fierement; mais a peine eus-je regarde autour de moi que
je vis un desert. Je fus saisi d'une souffrance inattendue. Il me
semblait que toutes mes pensees tombaient comme des feuilles seches,
tandis que je ne sais quel sentiment inconnu horriblement triste
et tendre s'elevait dans mon ame. Des que je vis que je ne pouvais
lutter, je m'abandonnai a la douleur en desespere. Je rompis avec
toutes mes habitudes. Je m'enfermai dans ma chambre; j'y passai quatre
mois a pleurer sans cesse, ne voyant personne et n'ayant pour toute
distraction qu'une partie d'echecs que je jouais machinalement tous
les soirs.
"La douleur se calma peu a peu, les larmes tarirent, les insomnies
cesserent. Je connus et j'aimai la melancolie. Devenu plus tranquille,
je jetai les yeux sur tout ce que j'avais quitte. Au premier livre qui
me tomba sous la main, je m'apercus que tout avait change. Rien du
passe n'existait plus, ou, du moins, rien ne se ressemblait. Un vieux
tableau, une tragedie que je sav
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