aiblesse, autant qu'y avait consenti sa generosite.
A en croire George Sand elle aima d'abord Pagello comme un pere. A eux
deux, ils avaient "adopte" Musset. Et lui-meme, l'inconstant poete, aux
premiers jours de lassitude de son amour, _avant cette maladie_ ou
elle le soigna si maternellement, n'avait-il pas _engage_ Pagello _a
consoler_ cette compagne dont il se sentait excede.... C'est la these
d'_Elle et Lui_. Nous savons ce qu'il en faut penser. Mais on dut
s'acharner a le persuader, pendant ces dernieres semaines, qu'il avait,
lui seul, prepare et voulu l'etrange situation ou ils se debattaient
tous les trois. Son bon sens lui montrait la chimere de cette poursuite
du repos hors de la voie commune. Qu'il y eut ou non de sa faute dans la
rupture, il aimait maintenant et n'etait plus aime. Un jour vint ou,
n'y tenant plus, il quitta ces amis qui devenaient amants de facon trop
claire et trop prompte pour sa Tranquillite...
[Note 109: M. Clouard, article cite de la _Revue de Paris_, p. 755.]
Une courte lettre de Musset, datee de Venise, nous fait entrevoir les
orages qui ont precede son depart. Elle nous apprend qu'il s'etait deja
separe de George Sand. Encore convalescent, il etait sur le point de
rentrer a Paris, accompagne seulement d'un domestique, le perruquier
_Antonio_. Avant de quitter Venise, et la mort dans l'ame, il envoyait
ce supreme adieu a sa bien-aimee:
Adieu, mon enfant.... Quelle que soit ta haine ou ton indifference
pour moi, si le baiser d'adieu que je t'ai donne aujourd'hui est le
dernier de ma vie, il faut que tu saches qu'au premier pas que j'ai
fait dehors, avec la pensee que je t'avais perdue pour toujours, j'ai
senti que j'avais merite de te perdre, et que rien n'est trop dur pour
moi. S'il t'importe peu de savoir si ton souvenir me reste ou non,
il m'importe a moi, aujourd'hui que ton spectre s'efface deja et
s'eloigne devant moi, de te dire que rien d'impur ne restera dans le
sillon de ma vie ou tu as passe, et que celui qui n'a pas su t'honorer
quand il te possedait peut encore y voir clair a travers ses larmes,
et t'honorer dans son coeur, ou ton image ne mourra jamais. Adieu, mon
enfant.
Un gondolier avait porte cette lettre a George Sand; Musset attendait
devant la Piazzetta; elle lui repondit par ce billet au crayon, sur le
verso:
_Al signor A. de Musset in gondola, alla Piazzetta._
Non, ne pars pas comme ca! Tu n'es pas assez gueri, et Buloz ne
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