m'a
pas encore envoye l'argent qu'il faudrait pour le voyage d'Antonio[110].
Je ne veux pas que tu partes seul. Pourquoi se quereller, mon Dieu? Ne
suis-je pas toujours le frere George, l'ami d'autrefois[111]?
[Note 110: Reglons une fois pour toutes cette question des avances
d'argent, a propos de laquelle on a essaye de blamer Musset, en citant
ces deux fragments de leurs lettres.--D'Elle a Lui (du 29 avril 1834):
"Je ne veux pas que tu songes a m'envoyer du tien, et ce que tu me dis a
cet egard me fait beaucoup de peine. Ne te souviens-tu pas que j'ai
ta parole d'honneur de ne pas songer a ce remboursement avant trois
ans?"--De Lui a Elle (de l'hiver suivant): "Mon ange adore, je te
renvoie ton argent. Buloz m'en a envoye...."]
[Note 111: Lettres de George Sand a Alfred de Musset (publiees par
M. Emile Aucante). _Revue de Paris_ du 1er novembre 1896, pp. 1-48.]
Musset partit le 29 mars, accompagne quelques heures par son amie.
Avant de quitter Venise, il avait recu d'elle un carnet de voyage qui
s'ouvrait sur cette dedicace: _A son bon camarade, frere et ami, sa
maitresse_, GEORGE.--Que n'invoquait-elle aussi sa maternite, la
meilleure corde de sa lyre!...
V
Musset a quitte Venise, a peine retabli et le coeur bien malade. George
Sand l'a confie a un domestique italien, Antonio, perruquier de son
etat, qui le suivra jusqu'a Paris. Elle-meme l'accompagne quelques
heures, jusqu'a Mestre. Quand ils se sont separes, elle fait une petite
excursion dans les Alpes en suivant la Brenta. "J'ai fait a pied jusqu'a
huit lieues par jour, ecrit-elle a Jules Boucoiran[112], le precepteur
de son fils, et j'ai reconnu que ce genre de fatigue m'etait fort bon
physiquement et moralement." Dans la meme lettre, elle reconnait aussi
que Musset "etait encore bien delicat pour entreprendre ce voyage. Je ne
suis pas sans inquietude sur la maniere dont il le sup portera; mais il
lui etait plus nuisible de rester que de partir, et chaque jour consacre
a attendre le retour de la sante, la retardait au lieu de l'accelerer.
Il est parti enfin, sous la conduite d'un domestique tres soigneux et
tres devoue. Le medecin m'a repondu de la poitrine, en tant qu'il la
menagerait; mais je ne suis pas bien tranquille." Et elle rentre a
Venise, "ayant sept centimes dans sa poche", pour installer sa vie
nouvelle avec le docteur Pagello.
[Note 112: Lettre du 6 avril 1834. _Correspondance_, t. I, p.
265.--Pourquoi lui ecrit-elle qu'elle
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