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elle ecrit son roman de _Leone Leoni_.--On a voulu y chercher une
demi-autobiographie. Nous y retrouvons, en effet, les cruelles
alternatives qui agitaient alors l'ame de la pauvre femme,--entre son
affectueuse estime pour Pagello et son renaissant, son cher amour pour
le poete qu'elle avait quitte, qu'elle laissait partir plutot que de
lui pardonner... Enfin elle recoit, le 15 avril, une longue lettre de
Geneve, et sa joie lui dicte une lettre d'humble affection, un cantique
d'actions, de graces:
... J'etais au desespoir. Enfin j'ai recu ta lettre de Geneve. Oh! que
je t'en remercie, mon enfant! qu'elle est bonne et qu'elle m'a fait de
bien! Est-ce bien vrai que tu n'es pas malade, que tu es fort, que tu
ne souffres pas? Ne crois pas, ne crois pas, Alfred, que je puisse
etre heureuse avec la pensee d'avoir perdu ton coeur. Que j'aie ete ta
maitresse ou ta mere, peu importe; que je t'aie inspire de l'amour ou
de l'amitie, que j'aie ete heureuse ou malheureuse avec toi, tout cela
ne change rien a l'etat de mon ame a present. Je sais que je t'aime,
et c'est tout[121].... Quelle fatalite a change en poison les remedes
que je t'offrais? Pourquoi, moi qui aurais donne tout mon sang pour
te donner une nuit de repos et de calme, suis-je devenue pour t
un tourment, un fleau, un spectre? Quand ces affreux souvenirs
m'assiegent (et a quelle heure me laissent-ils en paix?) je deviens
presque folle. Je couvre mon oreiller de larmes, j'entends ta voix
m'appeler dans le silence de la nuit. Qu'est-ce qui m'appellera
a present? qui est-ce qui aura besoin de mes veilles? a quoi
emploierai-je la force que j'ai amassee pour toi, et qui maintenant se
tourne contre moi-meme! Oh! mon enfant! mon enfant! que j'ai besoin de
ta tendresse et de ton pardon! ne parle pas du mien, ne me dis jamais
que tu as eu des torts envers moi; qu'en sais-je? Je ne me souviens
plus de rien, sinon que nous avons ete bien malheureux et que nous
nous sommes quittes; mais je sais, je sens que nous nous aimerons
toute la vie avec le coeur, avec l'intelligence, que nous tacherons,
par une affection sainte, de nous guerir mutuellement du mal que nous
avons souffert l'un pour l'autre. Nous sommes nes pour nous connaitre
et pour nous aimer, sois-en sur. Sans la jeunesse et la faiblesse que
tes larmes m'ont causee un matin, nous serions restes frere et soeur.
Nous savions que cela nous convenait, nous nous etion
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