r! Prie pour moi,
mon enfant; quoi qu'il doive m'arriver, plains-moi. Je t'ai connue un
an trop tot. J'ai cru longtemps a mon bonheur, a une espece d'etoile
qui me suivait. Il en est tombe une etincelle de la foudre sur ma
tete, de cet astre tremblant. Je suis lave par le feu celeste, qui a
failli me consumer. Si tu vas chez Danieli, regarde dans le lit ou
j'ai souffert: il doit y avoir un cadavre; car celui qui s'en etait
leve n'est pas celui qui s'y etait couche.
Comme il s'ouvre, amie bien-aimee, ce coeur qui s'etait desseche!
Comme chaque mot, chaque chose, chaque homme que je rencontre, fait
se detendre une fibre! Comme tous les objets que je retrouve ici
m'envoient a l'ame un rayon nouveau! Et comme tous ces rayons se
pressent, se condensent, jusqu'a ce qu'ils aient trouve une issue pour
s'elancer de leur antre, et retourner, teints du sang de mes veines,
dans la nature! Je vais au boulevard, au Bois, a l'Opera, sur le quai,
aux Champs-Elysees. Cela est doux et etrange, n'est-ce pas, de se
promener tout jeune dans une vieille vie? X. _(Tattet)_ est de retour.
Il trouve, que _je lui apparais sous un nouvel aspect_, voila son mot.
Du reste, je bois autant de vin de Champagne que devant, ce qui le
rassure.
Tu reviendras, n'est-ce pas? Je retrouverai mon bon et loyal camarade,
avec son grand coeur et ses grands yeux? O mon petit ange, que tu es
joli! Que tu m'es cher, toi, mon seul ami. Avec quel plaisir je sens,
en t'ecrivant, que mon coeur s'epanche avec confiance, avec amour, que
je puis pleurer dans tes bras! Oh, Dieu merci! j'ai un ami: on ne me
le volera pas; il prie pour moi, et moi pour lui. Si je ne t'avais pas
connue et perdue, George, je n'aurais jamais compris ce que je devais
etre, et pourquoi ma mere a eu un fils. Quand nous etions ensemble, je
laissais ma stupide jeunesse tomber lentement en poussiere; mais je ne
me rendais compte de rien de ce qui se passait en moi. Je me disais
que cela valait toujours mieux que le passe. Je remettais au
lendemain; je croyais qu'il serait toujours temps; je reflechissais
et je doutais. De plus, je suis d'une nature faible et oisive; la
tranquillite de nos jours de plaisir me bercait doucement. Pendant ce
temps la, Azrael a passe, et j'ai vu luire entre nous deux l'eclair de
l'epee flamboyante. Chose etrange, je n'ai compris qu'il fallait faire
usage de mes forces que lorsque j'ai senti qu'elles
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