r, heureuse et calme
avec Pagello, courtoise et bonne camarade pour son frere. Celui-ci
plaisantait le docteur sur la maigreur et la paleur de la jeune femme.
Un piquant souvenir du professeur Provenzal (cite par Mme Codemo)[118]
nous revele les preferences de Robert Pagello pour la jeune servante
de George Sand, la Catina, belle fille dont les joues fraiches
contrastaient avec le teint olivatre de Lelia. Il ne comprenait pas les
enthousiasmes de son frere pour "cette maigreur de sardine" (_quella
sardella_) et disait en son venitien: "_No so cossa de belo che el ghe
trova mio fradelo; la mia Catina me piace megio._"
[Note 118: _Racconti, scene_, etc., p. 177.]
George Sand, tres simplement, aidait la servante dans le menage, et
parfois se melait de cuisiner a sa facon. Ce qui donnait lieu a des
repas d'anachoretes. Et Robert se plaignait gaiement de ce regime un peu
bien romantique, et il disait preferer aux petits plats de George ses
romans. Pour se reposer de la litterature, celle-ci, Pagello nous l'a
conte, travaillait a l'aiguille ou dessinait. Le docteur conserve a
Bellune un joli dessin a la plume execute et encadre par elle-meme. Elle
y avait inscrit les deux noms de ses enfants: _Maurice, Solange..._ Mme
Antonini, dans l'interessante lettre ou elle me resume des souvenirs
qu'elle a cent fois entendu repeter a son pere, s'efforce de rectifier
"les exagerations et bevues" de tous ceux qui ont ecrit sur la vie
de George Sand a Venise. Elle me pardonnera de traduire ce fragment:
"George Sand allait quelquefois, accompagnee de mon pere, a l'eglise.
Prosternee devant Celui qui accueille et pardonne tout, elle se couvrait
la face de ses mains et pleurait. Mon pere dit qu'elle avait toute
l'etoffe necessaire pour etre le modele des epouses et des meres.
Affectueuse, charitable, industrieuse, toutes les heures qu'elle
ne passait pas a ecrire ou a visiter les monuments de Venise, elle
travaillait a l'aiguille ou au tricot. Elle orna ainsi de ses mains
toute une chambre a mon pere. Mon oncle me rapportait qu'elle etait
toujours occupee; qu'un jour meme elle lui fit present de quatre paires
de chaussettes, et lui dit en riant: "Voyez, Robert, je les ai mieux
reussies que mes artichauts!"
Cette vie tranquille et modeste prit fin avec le depart de la
malheureuse femme, rappelee par les vacances a Nohant. Elle emmenait le
docteur Pagello.
VI
Et Musset, le pauvre Musset? Revenons a lui. C'est lui le vrai poete et
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