r sans indiscretion, et,
mon mari se portant fort bien, je pouvais lire son testament de
sang-froid.
Vive Dieu! quel testament! Des maledictions, et c'est tout! Il avait
rassemble la tous ses mouvements d'humeur et de colere contre moi,
toutes ses reflexions sur ma _perversite_, tous ses sentiments de
mepris pour mon caractere. Et il me laissait cela comme un gage de sa
tendresse! Je croyais rever, moi qui, jusqu'ici, fermais les yeux et
ne voulais pas voir que j'etais meprisee. Cette lecture m'a enfin
tiree de mon sommeil. Je me suis dit que, vivre avec un homme qui n'a
pour sa femme ni estime ni confiance, ce serait vouloir rendre la vie
a un mort. Mon parti a ete pris et, j'ose le dire, _irrevocablement_.
Vous savez que je n'abuse pas de ce mot.
Sans attendre un jour de plus, faible et malade encore, j'ai declare
ma volonte et decline mes motifs avec un aplomb et un sang-froid qui
l'ont petrifie. Il ne s'attendait guere a voir un etre comme moi se
lever de toute sa hauteur pour lui faire tete. Il a gronde, dispute,
prie. Je suis restee inebranlable. _Je veux une pension, j'irai a
Paris, mes enfants resteront a Nohant._ Voila le resultat de notre
premiere explication. J'ai paru intraitable sur tous les points.
C'etait une feinte, comme vous pouvez croire. Je n'ai nulle envie
d'abandonner mes enfants. Quand il en a ete convaincu, il est devenu
doux comme un mouton. Il est venu me dire qu'il affermerait Nohant,
qu'il ferait maison nette, qu'il emmenerait Maurice a Paris et le
mettrait au college. C'est ce que je ne veux pas encore. L'enfant est
trop jeune et trop delicat. En outre, je n'entends pas que ma maison
soit videe par mes domestiques, qui m'ont vue naitre et que j'aime
presque comme des amis. Je consens a ce que le train en soit reduit,
parce que ma modeste pension rendra cette economie necessaire. Je
garderai Vincent[1] et Andre[2] avec leurs femmes, et Pierre[3]. Il y
aura assez de deux chevaux, de deux vaches, etc., etc.; je vous fais
grace du tripotage. De cette maniere, je serai _censee_ vivre de mon
cote. Je compte passer une partie de l'annee, _six mois au moins_, a
Nohant, pres de mes enfants, voire pres de mon mari, que cette lecon
rendra plus circonspect. Il m'a traitee jusqu'ici comme si je lui
etais odieuse. Du moment que j'en suis assuree, je m'en vais.
Aujourd'hui, il me pleure, tant pis pour lui! je lui prouve que je ne
veux pas etre supportee comme un fardeau, mais recherchee et appelee
com
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