vous en affranchis entierement. Si c'est a
l'honneur seul que je dois votre noble conduite a mon egard, je vous
rends votre liberte, sans que, pour cela, vous perdiez mon estime.
Non, mon cher enfant, je ne veux rien devoir qu'a votre amitie. Je ne
veux point me soustraire a la reconnaissance en considerant votre
sacrifice comme l'accomplissement d'un devoir. Je le regarderai toute
ma vie comme une preuve d'affection si grande, que je ne pourrai
jamais assez la reconnaitre. Je me dirai toujours que c'est par
devouement d'amitie, et non par principe de conscience, que vous avez
accepte mes propositions, modifiees comme elles le sont par les
chagrins de mon interieur.
Je vous renvoie les deux lettres que vous m'avez confiees. Je ne
m'abuse point sur le desavantage pecuniaire qui resulte pour vous
d'abandonner la famille Bertrand. Personne ne comprendra le
desinteressement et la noblesse de votre conduite. Votre mere seule en
sera un bon juge. Je souffre, je l'avoue, de l'idee que le secret de
mon interieur sortira de vos mains. Je sais que votre mere gardera ce
secret comme vous-meme; mais la mort, cet accident imprevu et
inevitable, peut changer etrangement la destination des ecrits. J'ai
pour principe de detruire sans tarder tout papier contenant des
particularites dont la decouverte serait nuisible a la reputation ou
au bonheur de quelqu'un. Voila le seul motif qui m'engageait a vous
prier de bruler ma lettre. Si vous la faites passer a votre mere,
priez-la donc de le faire. Vous devez reconnaitre comme moi l'utilite
de cette mesure. Si quelque autre personne que vous ou elle venait a
decouvrir les torts de mon mari, je me ferais un reproche eternel de
les avoir retraces.
Quand a madame Saint-A..., je ne suis guere surprise de ses intentions
_officieuses_ a mon egard. Je n'ai jamais fait la folie de croire en
elle; aussi je ne puis etre offensee de sa conduite envers moi, quelle
qu'elle puisse etre.
Je ne puis rien vous promettre pour le voyage a Nimes. Ce n'est pas la
consideration de l'argent qui m'arrete le plus. Ce voyage doit etre
peu dispendieux. Mais je serai desormais dans une position qui me
prescrira beaucoup de prudence dans mes demarches. Le bon accord que,
malgre ma separation d'avec mon mari, je veux conserver dans tout ce
qui concernera mon fils, m'obligera a le menager de loin comme de
pres. J'ai deja reconnu que ce projet ne lui souriait point.
Desormais, je ne dois laisser aucune prise contre m
|