devinrent mes jambes pendant ce temps-la.
Quand je fus en haut, je m'assurai que mes mains (dont je souffre
encore) n'etaient pas restees dans les leurs, et je fus payee de mes
efforts par l'admiration que j'eprouvai.
La descente ne fut pas moins perilleuse, et le guide nous dit, en
sortant, qu'il avait depuis bien des annees conduit des etrangers aux
_Espeluches,_ mais qu'aucune femme n'avait gravi le second etage. Nous
nous amusames beaucoup a ses depens en lui reprochant de ne pas
balayer assez souvent les appartements dont il avait l'inspection.
Nous rentrames a Lourdes dans un etat de salete impossible a decrire;
je remontai a cheval avec mon mari, et, nos jeunes gens prenant la
route de Bordeaux, nous primes tous deux celle de Bagneres. Nous
eumes, pendant dix lieues, une pluie a verse et nous sommes rentres
ici a dix heures du soir, trempes jusqu'aux os et mourant de faim.
Nous ne nous en portons que mieux aujourd'hui.
Nous sommes dans l'enchantement de deux chevaux arabes que nous avons
achetes, et qui seront les plus beaux que l'on ait jamais vus au bois
de Boulogne.
Voila une lettre eternelle, ma chere maman; mais vous me demandez des
details et je vous obeis avec d'autant plus de plaisir que je cause
avec vous. Clotilde m'en demande aussi; mais je n'ai guere le temps de
lui ecrire aujourd'hui, et demain recommencent mes courses. Veuillez
l'embrasser pour moi, lui faire lire cette lettre si elle peut
l'amuser, et lui dire que, dans huit a dix jours, je serai chez mon
beau-pere et j'aurai le loisir de lui ecrire.
Adressez-moi donc de vos nouvelles chez lui, pres de Nerac
(Lot-et-Garonne). J'en attends avec impatience, je suis si loin, si
loin de vous et de tous les miens! Adieu, ma chere maman. Maurice est
gentil a croquer! Casimir se repose, dans ces courses dont je vous
parle, de celles qu'il a faites sans moi a Cauterets; il a ete a la
chasse sur les plus hautes montagnes, il a tue des aigles, des perdrix
blanches et des _isards_ ou chamois, dont il vous fera voir les
depouilles; pour moi, je vous porte du cristal de roche. Je vous
porterais du barege de Bareges meme, s'il etait un peu moins gros et
moins laid.
Adieu, chere maman; je vous embrasse de tout mon coeur.
Veuillez, quand vous lui ecrirez, embrasser mille fois ma soeur pour
moi, lui dire que je suis bien loin de l'oublier; que cette lettre que
je vous ecris et une a mon frere sont les seules que j'aie eu le temps
d'ecrire aux Pyren
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