et passent a une ligne du bord, sans
broncher. Ce qui m'etonne bien davantage dans ces chevaux de montagne,
c'est leur aplomb sur des escaliers de rochers qui ne presentent a
leurs pieds que des pointes tranchantes et polies.
J'en avais un fort laid, comme ils le sont tous, mais a qui j'ai fait
faire des choses qu'on n'exigerait que d'une chevre: galopant toujours
dans les endroits les plus effrayants, sans glisser, ni faire un seul
faux pas, et sautant de roche en roche en descendant. J'avoue que je
ne supposais pas que cela fut possible et que je ne me serais jamais
cru le courage de me fier a lui avant que j'eusse eprouve ses moyens.
Nous avons ete hier a six lieues d'ici a cheval, pour visiter les
grottes de Lourdes. Nous sommes entres a plat ventre dans celle du
Loup. Quand on s'est bien fatigue pour arriver a un trou d'un pied de
haut, qui ressemble a la retraite d'un blaireau, j'avoue; que l'on se
sent un peu decourage. J'etais avec mon mari et deux autres jeunes
gens avec qui nous nous etions liees a Cauterets et que nous avons
retrouves a Bagneres, ainsi qu'une grande partie de notre aimable et
nombreuse societe bordelaise. Nous avons eu le courage de nous
enfoncer dans cette taniere, et, au bout d'une minute, nous nous
sommes trouves dans un endroit beaucoup plus spacieux, c'est-a-dire
que nous pouvions nous tenir debout sans chapeau et que nos epaules
n'etaient qu'un peu froissees a droite et a gauche.
Apres avoir fait cent cinquante pas dans cette agreable position,
tenant chacun une lumiere et otant bottes et souliers, pour ne pas
glisser sur le marbre mouille et raboteux, nous sommes arrives au
puits naturel, que nous n'avons pas vu, malgre tous nos flambeaux,
parce que le roc disparait tout a coup sous les pieds, et l'on ne
trouve plus qu'une grotte si obscure et si elevee, qu'on ne distingue
ni le haut ni le fond.
Nos guides arracherent des roches avec beaucoup d'effort et les
lancerent dans l'obscurite; c'est alors que nous jugeames de la
profondeur du gouffre: le bruit de la pierre frappant le roc fut comme
un coup de canon, et, retombant dans l'eau comme un coup de tonnerre,
y causa, une agitation epouvantable. Nous entendimes pendant quatre
minutes l'enorme masse d'eau ebranlee, frapper le roc avec une fureur
et un bruit effrayant qu'on aurait pu prendre tantot pour le travail
de faux monnayeurs, tantot pour les voix rauques et bruyantes des
brigands. Ce bruit, qui part des entrailles de la t
|