it flottant de feuilles
vertes, la pale fleur du nenuphar. C'est la, c'est dans ces fontaines
des bois que se refugierent les dernieres nymphes chassees par les
eveques. Ces agrestes deesses etaient poursuivies sans pitie. Un article
des ordonnances du roi Childebert porte que: "Celui qui sacrifie aux
fontaines, aux arbres et aux pierres sera anathematise."
Valery jugea ce lieu convenable a des desseins. Il avait obtenu du roi
des Francs la permission d'etablir sa demeure en tout endroit du royaume
ou il lui plairait d'habiter. Il batit de ses mains une cellule, et il
s'y consacra a la priere et a la contemplation. Quelques disciples
vinrent pres de lui pour vivre de sa vie et se nourrir de ses pieux
exemples. Ils construisirent leur cellule pres de la sienne, a
l'extremite de la foret, sur le bord d'un precipice dont le pied
baignait dans la mer. L'eveque Berchund venait, dit-on, passer chaque
annee le saint temps du careme dans cette solitude.
Valery, autant qu'on peut ressaisir les traits de son ame sous le
pinceau timide et maladroit des ses pieux historiens, etait a la fois
plein de force et de douceur. On rapporte de lui des traits de bonte qui
sont rares dans la vie des rudes apotres de l'Occident barbare. On dit
que, comme plus tard saint Francois d'Assise, il repandait jusque sur
les pauvres animaux la pitie qui remplissait son coeur. Les petits
oiseaux venaient manger dans sa main.
"Mes enfants, disait-il a ses compagnons, ne leur faisons par de mal et
laissons-les se rassasier des miettes de notre pain."
C'est contre les nymphes des bois et des fontaines que le saint homme
tournait toute sa colere. Pourtant ces nymphes etaient des innocentes.
Je crois bien que les pecheuses et les villageoises venaient leur
demander en secret d'avoir de beaux enfants. Mais il n'y avait pas de
mal a cela. Ces nymphes, ces fees, ces dames etaient jolies et mettaient
un peu de grace au fond des coeurs rustiques. C'etaient des divinites
toutes petites, qui convenaient aux petites gens. Saint Valery les
tenait pour des demons pernicieux, et il resolut de les detruire. Pour y
reussir, il abandonna la vie contemplative si douce a son coeur blesse,
et il parcourut la contree, prechant les paiens et portant l'Evangile de
village en village.
Un jour, passant dans un lieu proche de la ville d'Eu, il vit un arbre
aux branches duquel des images d'argile etaient suspendues par des
bandelettes de laine rouge. Ces images representa
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