ntre elles, volontiers, elles s'amusent a lutter sur l'herbe.
C'est l'instinct de la race qui les pousse; car on sait qu'elles sont
filles de vaillants lutteurs.
L'eglise de Sainte-Anne est toute neuve et d'une richesse que le temps
n'a pas encore eteinte. M. de Perthes, l'architecte, est peut-etre un
habile homme. Mais le temps a seul le secret des profondes harmonies. La
place sur laquelle elle s'eleve est bordee de petites boutiques ou les
femmes vont acheter des medailles, des chapelets, des cierges, des
livres de cantiques en breton et en francais, et des images d'Epinal.
Je n'ai pas vu passer la procession. Je ne sais si elle a garde le
caractere de foi naive qu'elle avait jadis. J'ai apercu les bannieres;
elles m'ont paru trop neuves et trop belles.
Autrefois, on voyait dans cette procession des marins portant les debris
du navire sur lequel ils avaient ete sauves du naufrage, des
convalescents trainant le linceul prepare pour eux et maintenant
inutile, des hommes echappes a l'incendie et tenant a la main la corde
ou l'echelle de leur salut. On y remarquait surtout les matelots
d'Arzon. C'etaient les descendants des quarante-deux marins qui, dans la
guerre de Hollande, en 1673, se vouerent a sainte Anne et furent
preserves des canons de Ruyter. Precedes de la croix d'argent de leur
paroisse, ils marchaient, soutenant de leurs epaules le modele d'un
vaisseau de soixante-quatorze, pavoise de tous ses pavillons, et ils
chantaient une complainte dont voici quelques couplets:
Nous avons ete de bande
Quarante et deux Arzonnois
A la guerre de Hollande,
Pour le plus grand de nos rois.
. . . . . . . . . . . . . . . .
Ce fut de juin le septieme
Mil six cent septante et trois,
Que le combat fut extreme
De nous et de Hollandois.
Les boulets comme la grele
Passaient parmi nos vaisseaux,
Brisant mats, cordages, voile,
Et mettant tout en lambeaux.
La merveille est toute sure
Que pas un homme d'Arzon
Ne recut la moindre injure
Du mousquet ni du canon.
Un d'Arzon changeant de place,
Un boulet vint a passer,
Brisant de celui la face
Qui venait de s'y placer.
L'Arzonnois, la sauvant belle,
Eut l'epaule et les deux yeux
Tout couverts de la cervelle
De ce pauvre malheureux.
De Jesus la sainte aieule,
Par un bienfait singulier,
Nous connaissons que vous seule
Nous gardiez en ce danger.
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