cteur des travaux de
Notre-Dame au moment ou un des arcs primitifs se rompit. Cet ouvrier,
qui avait plus de simplicite que nos architectes, ne songea pas, comme
ils l'eussent fait, a travailler dans le vieux style perdu; il ne tenta
point un pastiche savant. Il suivit son genie et son temps. En quoi il
fut bien avise. Il n'etait guere capable de travailler dans le gout des
macons du XIVe siecle. Plus instruit, il n'aurait produit qu'une
insignifiante et douteuse copie. Son heureuse ignorance l'obligea a
avoir de l'invention. Il concut une sorte d'edicule, temple ou tombeau,
un petit chef-d'oeuvre tout empreint de l'esprit de la Renaissance
francaise. Il ajouta ainsi a la vieille cathedrale un detail exquis,
sans nuire a l'ensemble. Ce macon inconnu etait mieux dans la verite que
Viollet-le-Duc et son ecole. C'est miracle que, de nos jours, un
architecte tres instruit n'ait pas jete bas ce contrefort de la
Renaissance pour le remplacer par un contrefort du XIVe siecle.
L'amour de la regularite a pousse nos architectes a des actes de
vandalisme furieux. J'ai trouve a Bordeaux meme, sous une porte cochere,
deux chapiteaux a figures qui y servaient de bornes. On m'expliqua
qu'ils venaient du cloitre de *** et que l'architecte charge de
restaurer ce cloitre les avait fait sauter pour cette raison que l'un
etait du XIe siecle et l'autre du XIIIe, ce qui n'etait point tolerable,
le cloitre datant du XIIe, et devant y etre severement ramene. En raison
de quoi l'architecte les remplaca par deux chapiteaux du XIIe. Cela
s'appelle un faux. Tout faux est haissable.
Ingenieux a detruire, les disciples de Viollet-le-Duc ne se contentent
pas de detruire ce qui n'est pas de l'epoque adoptee par eux. Ils
remplacent les vieilles pierres noires par des blanches, sans raison,
sans pretexte. Ils substituent des copies neuves aux motifs originaux.
Cela encore, je ne le leur pardonne pas; c'est pour moi une douleur de
voir perir la plus humble pierre d'un vieux monument. Si meme c'est un
pauvre macon tres rude et malhabile qui l'a degrossie, cette pierre fut
achevee par le plus puissant des sculpteurs, le temps. Il n'a ni ciseau,
ni maillet: il a pour outils la pluie, le clair de lune et le vent du
nord. Il termine merveilleusement le travail des praticiens. Ce qu'il
ajoute ne se peut definir et vaut infiniment.
Didron, qui aima les vieilles pierres, inscrivit peu de temps avant sa
mort, sur l'album d'un ami, ce precepte sage et meprise
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