rds,
a-t-il englouti une partie de l'ile avec le temple et le bois sacre des
vierges.
C'est ici que l'Ocean est terrible; c'est ici qu'il est puissant. Les
rochers innombrables qu'il couvre d'ecume apparaissent comme les restes
du rivage qu'il a submerge avec ses villes antiques et tous leurs
habitants. En ce moment, il est calme, il pousse dans son sommeil un
immense et tranquille mugissement. Les trainees d'huile qui moirent sa
face glauque revelent seules les courants perfides. Le vieux dieu,
couche sur les cadavres des belles Atlantides, content, s'egaie sous
l'or du soleil; son sourire est large et pacifique. Pourtant dans son
repos il laisse deviner sa force. Les lames qui brisent a quarante pieds
au-dessous de nous couvrent d'ecume la falaise et nous jettent au visage
leur rosee amere. Apres chaque coup de la vague, le rocher, de nouveau
decouvert, repand avec un bruit clair, par toutes ses pentes, des
cascades argentees.
A notre gauche fuit la ligne desolee de la baie d'Audierne jusqu'aux
rochers funestes de Penmarch. A droite, la cote herissee de falaises et
d'ecueils se courbe pour former la baie des Trepasses. Plus loin, nous
voyons luire comme un feu rouge le cap de la Chevre. Plus loin encore,
la cote de Brest et les iles d'Ouessant, bleuissant a l'horizon, se
confondent avec le bleu leger du ciel.
L'Ocean et les falaises changent a tout moment d'aspect. Ses lames sont
tour a tour blanches, vertes, violettes, et les rochers, qui tout a
l'heure faisaient briller leurs veines de mica, sont maintenant d'un
noir d'encre. L'ombre vient a grands coups d'ailes. Les dernieres
gouttes de flamme tombees dans la mer s'eteignent. Une grande lueur
orangee marque seule l'endroit ou le soleil s'est couche. C'est a peine
si nous voyons encore les murs de granit qui, debout ou ruines, ferment
la baie des Trepasses. On entend distinctement, dans le silence du soir,
le bruit sourd des lames que traverse le cri melancolique du cormoran.
Cette heure est d'un tristesse mortelle, et tout ici, le rocher, la
lande et la mer, et le sable livide de la baie, tout nous dit la
desolation de vivre. Seul, le ciel, ou s'allument les premieres etoiles,
a sur nos tetes une douceur charmante. Ce ciel de Bretagne est leger et
profond. Souvent voile par les bancs de brume qui viennent et qui
passent en un moment, presque toujours couvert de nuees epaisses qui
ressemblent a des montagnes et qui lui donnent l'air d'une terre d'en
haut, i
|