Cornely".
Depuis qu'il n'est plus de geants idolatres, saint Cornely s'adonne
specialement a la protection des betes a cornes.
Ce saint Cornely est tres original, et je regrette bien de n'avoir pas
consulte, a son sujet, ce bon chanoine Trevoux qui etudiait avec tant de
candeur les saints de Bretagne: il m'en aurait conte des merveilles. Que
ce saint Cornely ne soit autre que le pape saint Corneille, qui recut
l'anneau du pecheur en l'an 251 et fut assailli dans la chaise de saint
Pierre par de nombreuses tribulations, les hagiographes le disent, et je
suis sur que M. Trevoux le croyait. M. Trevoux croyait tout, et cette
heureuse disposition se lisait sur son visage. C'etait un homme de bonne
volonte; c'est pourquoi il eut la paix sur la terre. J'espere qu'il l'a
presentement dans le ciel. Il est doux de croire que saint Cornely est
precisement le pape Corneille; mais il faut reconnaitre qu'en Bretagne
il est devenu tres Breton. Il a pris l'esprit et les moeurs des paysans
de Carnac, qui l'ont choisi pour leur patron et leur intercesseur aupres
de Dieu. Il a oublie le farouche Novatien qui troubla si cruellement son
pontificat. Je l'ai vu tantot sur une des portes de son eglise
paroissiale. Il y est sculpte et peint, dans ses habits pontificaux,
entre deux boeufs qui tournent vers lui leur mufle obeissant. C'est un
saint tout a fait approprie a un pays de paturages. Sa fete tombe le 13
septembre, et, ce que n'eut point dit M. Trevoux, cette date coincidant
avec l'equinoxe d'automne, la fete du saint a du se substituer a quelque
feerie agricole des paiens. Il n'est pas douteux que le nom meme de
saint Cornely n'ait predestine e saint de Carnac a remplacer l'antique
divinite tutelaire des betes a cornes. Je regrette de ne pouvoir rester
a Carnac jusqu'a ce jour-la. Car c'est un beau pardon. Des pelerins y
viennent de toute la Bretagne pour baiser devotement les os du saint
renfermes dans un chef d'or tout brillant de pierreries. Puis, le
chapeau sous le bras et le chapelet a la main, ils se rendent en
procession a la fontaine qui eleve pres de l'eglise, sur quatre arches,
son pyramidion surmonte d'une boule et d'une croix. La, s'etant
agenouilles, ils goutent l'eau que des mendiants leur presentent dans
une cruche, en mouillant leur visage et leurs mains, qu'ils elevent
ensuite au-dessus de leur tete, et, ayant accompli ces rites antiques,
ils retournent a l'eglise pour deposer leur offrande devant le
protecteur des be
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