es de gros drap noir, le pere et
la mere se tenaient par le bras. L'homme ne pleurait plus. Mais on
voyait que les larmes avaient coule longtemps sur le cuir fauve de ses
joues. La tete renversee, il sanglotait. Les sanglots secouaient son
long collier de barbe brise et ses hautes epaules. Ils donnaient a sa
bouche un faux air de sourire, horrible a voir.
Cependant il se balancait ainsi qu'un homme ivre, et il melait aux
chants des psaumes et aux prieres de l'officiant une plainte lente,
reguliere et douce, comme l'air d'une de ces chansons avec lesquelles on
endort les petits enfants. Ce n'etait qu'un murmure, et l'eglise en
etait pleine! Mais elle, la mere! debout, immobile, muette dans sa
pelisse antique, elle tenait son capuchon baisse au-dessous de sa
bouche, et sous ce voile elle amassait sa douleur.
Quand l'absoute fut donnee, le cortege s'achemina vers Cayeux. C'est la,
sous le vent de mer, qu'ils veulent que leur enfant repose. Croient-ils
que cette terre, si dure aux vivants, sera douce aux morts? Ou plutot
n'est-ce pas qu'ils gardent un tendre amour pour le rude pays ou ils
sont nes et auquel ils portent aujourd'hui ce qu'ils avaient de plus
cher? Nous vimes la petite troupe disparaitre lentement sur le chemin
pierreux. Jamais, pour ma part, je n'avais contemple un si grand
spectacle. C'est qu'il n'y a rien de plus grand au monde que la douleur.
Dans les villes, elle se cache. Aujourd'hui, je l'ai vue au soleil, sur
une colline qui ressemblait au calvaire.
Ce dimanche les rues sont pavoisees. C'est la fete de la ville. De
grandes affiches jaunes annoncent que des regates seront donnees sous le
patronage du Yacht-Club de France. Les bateaux de Saint-Valery, de
Cayeux courront. Des tribunes ornees des ecussons des villes rivales
s'elevent sur le quai. Les habitants de la ville, de noir vetus, s'y
groupent autour de leurs officiers municipaux. A onze heures et demie,
un coup de canon annonce que la fete nautique commence. Au-dessus de la
piece, un blanc flocon de fumee s'eleve tout droit dans l'air
tranquille. On craint que les voiles manquent de vent. Mais, peu a peu,
tandis que manoeuvrent les yachts et les clippers, une jolie brise
"nord-oua" s'eleve et les bateaux de peche de Saint-Valery et du Crotoy
se mettent en ligne par un temps favorable. Ce sont de bons marcheurs.
Tous les jours ils sortent a la mer descendante. Ils vont trainer leur
chalut sur les bancs qu'on voit emerger au loin a mesure que l'
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