les et
charmantes et a transformer, comme a Notre-Dame de Paris, la cathedrale
vivante en cathedrale abstraite. Une telle entreprise est en horreur a
quiconque sent avec amour la nature et la vie. Un monument ancien est
rarement d'un meme style dans toutes ses parties. Il a vecu, et tant
qu'il a vecu il s'est transforme. Car le changement est la condition
essentielle de la vie. Chaque age l'a marque de son empreinte. C'est un
livre sur lequel chaque generation a ecrit une page. Il ne faut alterer
aucune de ces pages. Elles ne sont pas de la meme ecriture parce
qu'elles ne sont pas de la meme main. Il est d'une fausse science et
d'un mauvais gout de vouloir les ramener a un meme type. Ce sont des
temoignages divers, mais egalement veridiques.
Il y a plus d'harmonies dans l'art que n'en concoit la philosophie des
architectes restaurateurs. Sur la facade laterale d'une eglise, entre
les grands bonnets d'eveque de deux vieux arcs en tiers-point, un
portique de la Renaissance dresse elegamment les ordres de Vitruve et
s'accompagne d'anges graciles, aux tuniques legeres. Cela fait une belle
harmonie. Sous une corniche de fraisiers et d'orties, tailles au temps
de saint Louis, une petite porte Louis XV etale ses rocailles frivoles
et ses coquilles, devenues austeres avec l'age. Cela encore fait une
belle harmonie. Une nef magnifique du XIVe siecle est lestement enjambee
par un jube charmant de l'epoque des Valois; a une branche du transept,
sous la pluie de pierreries d'une verriere du premier age, un autel de
la decadence hausse ses colonnes torses de marbre rouge ou courent des
pampres d'or, ce sont la des harmonies. Et quoi de plus harmonieux que
ces tombeaux de tous les styles et de toutes les epoques, multipliant
les images et les symboles sous une de ces voutes qui tiennent de la
geometrie, dont elles procedent, une beaute absolue.
Je me rappelle avoir vu sur un des bas-cotes de Notre-Dame de Bordeaux
un contrefort qui, par la masse et les dispositions generales, ne
differe pas beaucoup des contreforts plus anciens qui l'environnent.
Mais pour le style et l'ornementation, il est tout a fait singulier. Il
n'a ni ces pinacles, ni ces clochetons, ni ces longues et etroites
arcades aveugles qui amincissent et allegent les contreforts voisins. Il
est decore, celui-la, de deux ordres renouveles de l'antique, de
medaillons, de vases. Ainsi l'a concu un contemporain de Pierre
Chambiges et de Jean Goujon, qui se trouvait condu
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