saint
Colledoc de Plogoff a dit a la reine Genievre pour la separer de
Lancelot du Lac qu'elle aimait et qui l'aimait. Songez que, pour
produire un tel effet, il fallait des paroles plus puissantes que ces
runes, connues seulement des vieux Scandinaves, par lesquelles on
pouvait soulever l'Ocean et reduire la terre en poudre; car l'amour,
monsieur Trevoux, est plus fort que la mort. Il est pourtant vrai que la
douce reine ecouta l'ermite et qu'elle entra dans un monastere. Et l'on
en a fait des complaintes en vers bretons.
Mais nous approchons du bout de la terre. Nous avons passe la region des
genets et des ajoncs et nous sentons le vent d'ouest raser les champs
steriles. Voici Lescoff, son clocher et ses menhirs. Encore quelques
pas, et nous touchons a la pointe du Raz. Deja nous decouvrons a notre
droite une plage pale, que creuse une mer blanche d'ecueils. C'est la
baie des Trepasses.
Ici, sur le promontoire qui s'avance entre deux cotes semees d'ecueils,
finit la terre. Au bout de l'etroit sentier dans lequel nous nous
engageons, la mer deferle, et deja l'embrun nous enveloppe. Devant nous,
l'Ocean, ou le soleil se couche dans un lit de flammes, etend au loin la
nappe magnifique de ses eaux, que dechirent ca et la les rochers noirs,
fleuris d'ecume, et sur laquelle l'ile de Sein, sombre et basse, dort au
ras des lames.
C'est l'ile sainte des Sept-Sommeils ou l'on dit que vivaient les
vierges prophetiques. Mais ces creatures extraordinaires ont-elles
jamais existe ailleurs que dans l'imagination des hommes de mer? Les
matelots n'ont-ils pas pris, de loin, pour les robes blanches des
pretresses les mouettes posees au soleil sur les rochers? Le souvenir de
ces vierges est vague comme un reve. On a fouille le peu de terre
contenu dans les creux du granit, ou croissent aujourd'hui pour la
nourriture des pecheurs, de rares et maigres epis d'orge. On n'a trouve
dans ce sol aucune pierre taillee. On y a recueilli seulement quelques
medailles en forme de petites coupes, portant sur leur face bombee une
effigie de heros ou de dieu, a la chevelure bouclee, nouee de perles,
et, sur la face creuse, un cheval a tete d'homme. Comment imaginer un
college de pretresses sur cet ecueil ras, sterile, nu, noye de brumes,
et que, par les tempetes, la mer recouvre quelquefois tout entier? Mais
peut-etre l'ile de Sein etait-elle autrefois plus vaste et plus ombreuse
qu'elle n'est aujourd'hui, et l'Ocean, qui sans cesse ronge ses bo
|