eau
baisse et qui forment alors des ilots jaunes dans la mer verte ou bleue.
Ils pechent la crevette grise qu'on trouve en abondance sur ces bancs
entre la pointe du Hourdel et les dunes de Saint-Quentin. Ces petits
bateaux animent la baie; ils en sont la vie, partant la joie. Le flot
les ramene. C'est plaisir d'epier de loin leurs voiles grises, blanches
ou noires, quand ils reviennent ensemble comme une compagnie d'oiseaux.
16-18 aout.
On a distribue aujourd'hui les prix aux filles de l'ecole. A la sortie,
nous essuyons un grain. Les couronnes de lauriers et de chenes
deteignent, a la pluie, sur le front et sur les joues des fillettes, qui
deviennent horriblement livides. Elles communiquent par des baisers ce
teint a leurs parents attendris. Tout le monde est vert.
Il y a pour les filles, a Saint-Valery, deux ecoles communales dirigees
par les soeurs de la Providence. Les Augustines tiennent, dans la ville,
un pensionnat libre. Il n'y a point d'ecole laique de filles.
Par contre, il n'y a pas d'ecole religieuse de garcons. Les deux ecoles
communales de garcons ont ete laicisees dernierement. Les freres n'ont
point ouvert d'ecole libre. Ils se sont retires de la ville, decevant
ainsi, dans ses secretes esperances, la municipalite qui se flattait, en
appelant un instituteur laique, de faire naitre une feconde emulation
entre l'enseignement municipal et l'enseignement libre.
Quant a l'obligation legale, elle n'a pas eu ici de resultats pratiques.
La misere est une grande force. Que peut la loi contre elle? Comment
empecher des gamins qui meurent de faim de voler des pommes de terre au
lieu d'apprendre a lire? J'ai vu discuter au Senat la loi d'obligation.
Le debat etait solennel. Il en sortit une grande loi. Mais je vois ici
combien il est difficile de soumettre a cette loi de petits malheureux
qui n'ont pas une culotte a mettre pour aller a l'ecole.
Le soin genereux que nous prenons aujourd'hui d'instruire l'enfance
n'etait pas aussi etranger a l'esprit de nos peres qu'on le croit
communement. Je viens d'en trouver une nouvelle preuve dans le registre
manuscrit des lettres et ordonnances concernant la ville de
Saint-Valery, qui est conserve aujourd'hui a la mairie et que M. Vanier,
conseiller municipal, m'a communique. On lit dans ce registre une lettre
que le cardinal de Bourbon, gouverneur du Vimeu, ecrivit vers 1536, a
ses "chers et bien ames" le maire et les echevins de Saint-Valery,
touchant es "escolle
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