aonnais n'a pas de larges horizons. Mais le sol y fait des
plis gracieux et il est seme de bouquets d'arbres. Le petit chemin blanc
qui passe devant ma porte et se parfume de menthe en se creusant vers la
prairie humide s'en va, par les champs de trefle, d'avoine et de
betteraves, au bois ou le Petit Chaperon Rouge cueille encore la
noisette. On a plaisir a suivre chaque matin ce sentier etroit et
sinueux, si l'on pense que c'est assez de joie et de gloire en une
promenade que de visiter la reine des pres dans son humble majeste, et
de respirer le chevrefeuille qui suspend aux buissons ses guirlandes
parfumees.
Hier, j'ai trouve au milieu de ce sentier un petit herisson immobile et
tout en boule. Il etait blesse. Je le pris dans ma poche et le portai a
la maison, ou une goutte de lait le ranima. Il montra son groin noir,
qui a l'air d'etre taille dans une truffe. Il ouvrit les yeux, et j'eus
la faiblesse de me croire le bon Samaritain. Ce matin, mon ami courait
dans le jardin, flairant la terre humide, et toutes les piques de son
dos reluisaient. La rencontre d'un herisson; moins encore, un brin de
serpolet a l'oree d'un bois, une vieille epitaphe dans un cimetiere de
village, suffit a l'amusement de la journee d'un solitaire.
Nous avons ici un camp de Cesar et une petite montagne qu'un jour
Gargantua laissa tomber de sa hotte. Mais ce qu'il y a de plus
admirable, c'est un fau (fagus) tres grand et parfaitement rond, qui
donne des faines d'un gout delicieux, si j'en crois les paysans. Le
hetre de Domremy que hantaient les fees et ou les filles du village
suspendaient des guirlandes et des chapeaux de fleurs, n'etait ni plus
beau ni plus venerable. Je regrette le temps ou l'on rendait un culte
aux arbres et aux fontaines. J'aurais, en ce temps la, noue
precieusement aux branches de ce beau fau des statuettes de terre cuite
avec des bandelettes de laine, et peut-etre meme aurais-je su attacher
au tronc un tableau portant une epigramme votive en vers imites
d'Ausone. Ce hetre, illustre dans le pays, s'eleve sur la hauteur entre
Saint-Thomas et Saint-Erme, dont l'eglise est miserable et charmante
avec son mince clocher d'ardoises, sont toit rustique, son porche
renaissance, qui s'emiette a la pluie, et sa girouette ou l'on voit le
grand saint Antoine et son cochon finement decoupes. A l'interieur, dans
la nef tronquee et nue, sur un chapiteau roman, un oiseau becquetant une
grappe de raisin est reste comme l'unique temoi
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