cherchait ses saints bretons. Il
allait du pont Notre-Dame au pont Royal tous les jours que Dieu faisait,
pourvu que Dieu les fit assez beaux. Car le bon chanoine n'aimait ni le
brouillard ni la pluie, et, de toutes les oeuvres divines, il etait
enclin a preferer celles ou Dieu a montre le plus manifestement sa
bonte. Pourtant, un jour qu'il allait, cherchant, selon sa coutume,
quelque saint breton oublie du siecle ingrat, il fut assailli par un
soudain orage, pres de la Samaritaine, et secoue, selon ses propres
expressions, par une rafale effroyable; meme il y perdit son riflard que
le vent emporta dans la Seine. Ce fut une des plus terribles epreuves de
sa vie terrestre. Chaque fois qu'il y songeait, on voyait s'eteindre le
sourire de ses levres et le vermillon de ses joues.
Le chanoine Trevoux quitta ce monde a quelque temps de la, laissant une
histoire des saints de Bretagne qui atteste la purete de son ame et la
simplicite de son esprit. C'est un livre que je m'accuse de n'avoir pas
assez lu. Des mon retour a Paris, je me promets bien, si je parviens a
mettre la main sur un bon exemplaire de cet ouvrage, d'y chercher
l'histoire de saint Colledoc dont la chapelle, deja loin derriere nous,
ne laisse plus voir a l'horizon que son clocher de dentelle, plein de
ciel bleu. Saint Collidor ou Colledoc etait eveque de Cambrie, quand il
vint du pays de Galles en Armorique. Probablement il traversa l'Ocean
dans une auge de pierre, car tel etait alors l'usage des saints de la
Grande-Bretagne. Ayant aborde a Plogoff, il se fit ermite dans la lande,
et, la, parmi les oeillets sauvages, les rosiers nains et les petites
immortelles qui fleurissent au ras du sol, sous le ciel charge de nuages
pareils aux visions des Ecritures et sillonne par le vol des oiseaux de
mer dont quelques-uns sont les ames des trepasses, il louait le
Seigneur, se livrait a la contemplation et parfois, entrant en extase,
penetrait profondement dans la connaissance des choses tant visibles
qu'invisibles. Aussi n'est-il pas surprenant qu'il recut, par une voie
mysterieuse, des nouvelles de ce monde dont il vivait separe. Il est
certain qu'il apprit avant tous les habitants d'Audierne et de Plogoff
la sanglante bataille de Camlan, et la mort d'Arthur que son epee
enchantee n'avait pu defendre des coups d'un chevalier felon. Saint
Collidor apprit par une voie non moins mysterieuse que Lancelot du Lac
aimait l'epouse d'Arthur, la belle reine Genievre. Et (ce que
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