brutal; il eut l'idee
de pousser des cris percants pour se faire entendre du dehors et pour
qu'on vint le delivrer. Tout a coup, son effroi prit le caractere du
vertige, quand un coup d'oeil, jete autour de lui parmi les tenebres,
lui fit croire qu'il n'etait pas seul, comme il l'avait pense d'abord,
et que les habitants de ce sombre repaire etaient venus la pour le
recevoir.
Ce fut une vision surnaturelle, un aspect inoui et mysterieux, que
l'assemblee de vingt ou trente personnages des deux sexes, droits,
immobiles et muets ranges contre la muraille. Ces fantomes, dont les
vetements et les joyaux brillaient dans l'obscurite, avaient l'air de
tenir cour pleniere, en silence, au fond de cette cave, et si leurs
costumes magnifiques n'eussent pas annonce des seigneurs et des princes
de la plupart des nations de l'Orient, on aurait pu supposer que
c'etaient des etres du monde ideal, des spectres ou des demons, tant
leur reunion, dans un pareil endroit, tenait du merveilleux.
D'Assoucy n'etait pas peureux; mais son imagination, exaltee par la
lecture de quelques histoires romanesques et surtout des _Metamorphoses
d'Ovide_, sortait volontiers des limites du vrai et du vraisemblable:
il ne prit pas le temps de reflechir, il n'eut pas meme le courage de
regarder en face ces etres singuliers, qui n'avaient encore ni bouge, ni
parle, et qui ne lui demandaient pas compte de sa presence: il courut,
tout hors de lui, pour chercher une issue, pour s'arracher a ce terrible
cauchemar; son effroi multipliait le nombre et grossissait la forme de
ces fantastiques apparitions.
Malgre l'epouvante qui paralysait ses sens, il se trouva au pied de
l'escalier, qu'il commencait a gravir peniblement pour revoir la lumiere
du soleil et le sejour des hommes; mais il n'avait pas franchi la
dixieme marche, qu'il entendit les degres de pierre retentir, au dessus
de sa tete, sous les bonds d'un etre vivant, qui venait d'en haut et
qui, l'ayant heurte violemment, se cramponna en grognant a son collet.
Le pauvre enfant, stupefait de cette rencontre offensive, frissonna
de tous ses membres, le corps mouille d'une sueur froide, et, pour la
premiere fois de sa vie, il pria le bon Dieu de le defendre contre la
griffe du diable. Cette priere mentale lui rendit un peu d'energie, de
telle sorte qu'il put arreter et serrer dans ses bras un animal velu,
porteur d'une longue queue, qui faisait presumer l'existence des cornes
accessoires pour completer le
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