s attributs de Satan en personne: or,
l'animal ou Satan lui-meme, etonne et irrite de se sentir captif,
s'agita de toutes ses forces et mordit au sang le visage de son
adversaire.
Une lutte s'engagea entre l'homme et la bete, qui s'etreignaient
mutuellement, qui se dechiraient des ongles et des dents, qui se
lancaient d'un mur a l'autre, et s'epuisaient en efforts successifs et
reciproques: par intervalles, un cri de douleur, un soupir de fatigue,
un grondement de rage. D'Assoucy eprouvait la cruelle agonie d'un
mauvais reve, qui s'acheve peniblement entre la veille et le sommeil,
et que vont dissiper les premiers rayons du jour; enfin, egratigne,
mordille et maltraite par le demon inconnu qu'il combattait dans
l'ombre, il appela toute sa vigueur a un assaut desespere, qui acheva
son triomphe; il coucha son ennemi sur la pierre humide de l'escalier,
et lui pressant la poitrine avec le genou, il l'etouffa, sans autres
armes que ses dix doigts. Un ralement entrecoupe fut le signal de sa
victoire, et l'ennemi mort lui parut moins redoutable: le demon n'etait
qu'un singe, et cette decouverte inattendue enhardit le vainqueur, au
point de lui permettre de promener ses yeux autour de lui et d'explorer
la retraite que la hasard lui avait offerte.
Sa terreur panique ne survecut pas au malheureux singe, qui gisait a
l'entree du caveau, comme une sentinelle morte a son poste; il osa
penetrer jusqu'au fond du souterrain, et s'approcher des spectres
formidables qui l'avaient tant effraye et qui n'etaient autres que les
marionnettes du signor Fagottini.
Cet operateur italien, qui, en sa qualite de compatriote, avait toujours
ete un devoue partisan du marechal d'Ancre, s'etait hate, au premier
avis qu'il eut de l'assassinat de son protecteur, de mettre en surete
toute sa fortune, c'est-a-dire son singe et ses acteurs automates, dans
le souterrain que lui louait a bail Linclair, le gouverneur machiniste
de la Samaritaine. Ce souterrain, qui traversait la seconde arche du
pont, sous la chaussee, avait ete menage lors de la construction
du Pont-Neuf, pour servir de cave aux maisons qu'on devait elever
primitivement de chaque cote de ce pont, et il n'avait pas ete comble
depuis. C'est la, dans cette galerie tenebreuse, a la voute suante et au
pave moussu, que Fagottini emmagasinait le materiel de son theatre en
plein vent: decorations, garde-robe dramatique, acteurs au rebut et a
la retraite, debutants non encore faconnes; cette foi
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