e repas
s'acheve gaiement...
Ce soir-la, maitre Esteve et son fils s'en allerent ensemble dans les
champs. Ils resterent longtemps dehors; quand ils revinrent, la mere les
attendait encore.
--Femme, dit le _menager_, en lui amenant son fils, embrasse-le! il est
malheureux...
* * * * *
Jan ne parla plus de l'Arlesienne. Il l'aimait toujours cependant, et
meme plus que jamais, depuis qu'on la lui avait montree dans les bras
d'un autre. Seulement il etait trop fier pour rien dire; c'est ce qui le
tua, le pauvre enfant!... Quelquefois il passait des journees entieres
seul dans un coin, sans bouger. D'autres jours, il se mettait a la terre
avec rage et abattait a lui seul le travail de dix journaliers... Le
soir venu, il prenait la route d'Arles et marchait devant lui jusqu'a ce
qu'il vit monter dans le couchant les clochers greles de la ville. Alors
il revenait. Jamais il n'alla plus loin.
De le voir ainsi, toujours triste et seul, les gens du _mas_ ne savaient
plus que faire. On redoutait un malheur... Une fois, a table, sa mere,
en le regardant avec des yeux pleins de larmes, lui dit:
--Eh bien! ecoute, Jan, si tu la veux tout de meme, nous te la
donnerons...
Le pere, rouge de honte, baissait la tete...
Jan fit signe que non, et il sortit...
A partir de ce jour, il changea sa facon de vivre, affectant d'etre
toujours gai, pour rassurer ses parents. On le revit au bal, au cabaret,
dans les ferrades. A la vote de Fonvieille, c'est lui qui mena la
farandole.
Le pere disait: "Il est gueri." La mere, elle, avait toujours des
craintes et plus que jamais surveillait son enfant... Jan couchait avec
Cadet, tout pres de la magnanerie; la pauvre vieille se fit dresser
un lit a cote de leur chambre... Les magnans pouvaient avoir besoin
d'elle, dans la nuit.
Vint la fete de saint Eloi, patron des menagers.
Grande joie au _mas_... Il y eut du chateau-neuf pour tout le monde
et du vin cuit comme s'il en pleuvait. Puis des petards, des feux sur
l'aire, des lanternes de couleur plein les micocouliers... Vive saint
Eloi! On farandola a mort. Cadet brula sa blouse neuve... Jan lui-meme
avait l'air content; il voulut faire danser sa mere; la pauvre femme en
pleurait de bonheur.
A minuit, on alla se coucher. Tout le monde avait besoin de dormir...
Jan ne dormit pas, lui. Cadet a raconte depuis que toute la nuit
il avait sanglote... Ah! je vous reponds qu'il etait bien mordu,
celui
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