urquoi pleurez-vous? Est-ce que vous croyez
bonnement que je m'en vas mourir?
La reine veut repondre. Les sanglots l'empechent de parler.
--Ne pleurez donc pas, madame la reine; vous oubliez que je suis le
Dauphin, et que les Dauphins ne peuvent pas mourir ainsi...
La reine sanglote encore plus fort, et le petit Dauphin commence a
s'effrayer.
--Hola, dit-il, je ne veux pas que la mort vienne me prendre, et je
saurai bien l'empecher d'arriver jusqu'ici... Qu'on fasse venir sur
l'heure quarante lansquenets tres forts pour monter la garde autour de
notre lit!... Que cent gros canons veillent nuit et jour, meche allumee,
sous nos fenetres! Et malheur a la mort, si elle ose s'approcher de
nous!...
Pour complaire a l'enfant royal, la reine fait un signe. Sur l'heure,
on entend les gros canons qui roulent dans la cour; et quarante grands
lansquenets, la pertuisane au poing, viennent se ranger autour de la
chambre. Ce sont de vieux soudards a moustaches grises. Le petit Dauphin
bat des mains en les voyant. Il en reconnait un et l'appelle:
--Lorrain! Lorrain!
Le soudard fait un pas vers le lit:
--Je t'aime bien, mon vieux Lorrain... Fais voir un peu ton grand
sabre... Si la mort veut me prendre, il faudra la tuer, n'est-ce pas?
Lorrain repond:
--Oui, monseigneur...
Et il a deux grosses larmes qui coulent sur ses joues tannees.
A ce moment, l'aumonier s'approche du petit Dauphin et lui parle
longtemps a voix basse en lui montrant un crucifix. Le petit Dauphin
l'ecoute d'un air fort etonne, puis tout a coup l'interrompant:
--Je comprends bien ce que vous me dites, monsieur l'abbe; mais enfin
est-ce que mon petit ami Beppo ne pourrait pas mourir a ma place, en lui
donnant beaucoup d'argent?...
L'aumonier continue a lui parler a voix basse, et le petit Dauphin a
l'air de plus en plus etonne.
Quand l'aumonier a fini, le petit Dauphin reprend avec un gros soupir:
--Tout ce que vous me dites la est bien triste, monsieur l'abbe; mais
une chose me console, c'est que la-haut, dans le paradis des etoiles, je
vais etre encore le Dauphin... Je sais que le bon Dieu est mon cousin et
ne peut pas manquer de me traiter selon mon rang.
Puis il ajoute, en se tournant vers sa mere:
--Qu'on m'apporte mes plus beaux habits, mon pourpoint d'hermine blanche
et mes escarpins de velours! Je veux me faire brave pour les anges et
entrer au paradis en costume de Dauphin.
Une troisieme fois, l'aumonier se penche ver
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