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ien qu'il mourait d'envie d'accepter. Je le pris par la main, et je le fis asseoir pres de moi. Pendant qu'on le servait, le pauvre diable flairait la table avec un petit rire: --Ca a l'air bon tout ca. Je vais me regaler; il y a si longtemps que je ne dejeune plus! Un pain d'un sou tous les matins, en courant les ministeres... car, vous savez, je cours les ministeres, maintenant; c'est ma seule profession. J'essaye d'accrocher un bureau de tabac... Qu'est-ce que voulez? il faut qu'on mange a la maison. Je ne peux plus dessiner; je ne peux plus ecrire... Dicter?... Mais quoi?... Je n'ai rien dans la tete, moi; je n'invente rien. Mon metier, c'etait de voir les grimaces de Paris et de les faire; a present il n'y a plus moyen... Alors j'ai pense a un bureau de tabac; pas sur les boulevards, bien entendu. Je n'ai pas droit a cette faveur, n'etant ni mere de danseuse, ni veuve d'officier superieur. Non! simplement un petit bureau de province, quelque part bien loin, dans un coin des Vosges. J'aurai une forte pipe en porcelaine; je m'appellerai Hans ou Zebede, comme dans Erckmann-Chatrian, et je me consolerai de ne plus ecrire en faisant des cornets de tabac avec les oeuvres de mes contemporains. "Voila tout ce que je demande. Pas grand chose, n'est ce pas?... Eh bien, c'est le diable pour y arriver... Pourtant les protections ne devraient pas me manquer. J'etais tres lance autrefois. Je dinais chez le marechal, chez le prince, chez les ministres; tous ces gens-la voulaient m'avoir parce que je les amusais ou qu'ils avaient peur de moi. A present, je ne fais plus peur a personne. O mes yeux! mes pauvres yeux! Et l'on ne m'invite nulle part. C'est si triste une tete d'aveugle a table... Passez-moi le pain, je vous prie... Ah! les bandits! ils me l'auront fait payer cher ce malheureux bureau de tabac. Depuis six mois, je me promene dans tous les ministeres avec ma petition. J'arrive le matin, a l'heure ou l'on allume les poeles et ou l'on fait faire un tour aux chevaux de Son Excellence sur le sable de la cour; je ne m'en vais qu'a la nuit, quand on apporte les grosses lampes et que les cuisines commencent a sentir bon... "Toute ma vie se passe sur les coffres a bois des antichambres. Aussi les huissiers me connaissent, allez. A l'Interieur, ils m'appellent: "Ce bon monsieur!" Et moi, pour gagner leur protection, je fais des calembours, ou je dessine d'un trait sur un coin de leur buvards de grosses moustaches qui les
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