uader les Albanais de se confier a eux;
ils avaient tenu a Dibra un congres albanais truque, a qui ils avaient
fait voter le paiement de la dime, l'acceptation du service militaire,
l'usage de la langue turque comme langue officielle et langue de
l'ecole, et l'emploi des caracteres turcs pour l'ecriture de la langue
albanaise; les beys du nord de l'Albanie s'etaient entierement
desinteresses du congres et ignoraient presque ses resolutions; mais
ceux du centre et du sud jugeaient une riposte necessaire et, contre le
gre des Turcs, pour affirmer leur volonte et leur nationalite, ils
decidaient de tenir a El-Bassam, au coeur de l'Albanie, un congres
purement albanais ou les revendications du pays seraient proclamees. Les
Bitchaktchy d'El-Bassam et les Toptan de Tirana etaient a la tete du
mouvement; Essad Pacha y etait tout acquis.
Les Jeunes-Turcs, pour contrecarrer ces efforts, s'aviserent d'un moyen
qui n'etait pas sans ingeniosite, mais qui exalta au plus haut point la
colere des beys. Ils designerent comme Kaimakan a Tirana Hussein bey
Vrion, dont le pere Assiz Pacha etait depute de Berat, et lui
prescrivirent une politique sociale tres curieuse, surveillee d'ailleurs
par des emissaires speciaux. Quoique albanais, mais fonctionnaire
docile, Hussein s'efforcait d'exciter la population des paysans contre
leurs seigneurs, la population des artisans contre les beys; les agents
des Jeunes-Turcs parcouraient les bazars, couraient dans les marches et
partout annoncaient que le gouvernement prendrait la terre aux beys pour
la diviser entre le peuple, si le peuple etait fidele aux ordres de la
Sublime Porte.
Usant du fanatisme religieux, jouant du desir de la terre, ils avaient
fini par repandre dans certains villages un veritable esprit d'hostilite
contre les beys; aussi, quand ceux-ci voulurent fonder leurs clubs,
centre de reunion contre la politique turque, et que le pouvoir resolut
de les fermer, le gouvernement s'avisa de profiter de cette agitation;
il amassa la population dans plusieurs villages des environs, la
conduisit aux lieux ou les clubs etaient ouverts et laissa des scenes de
desordre se produire; sous pretexte de calmer les esprits, il decida la
cloture de tous les clubs.
Cette politique sociale menacait les beys dans leur influence
hereditaire: les Jeunes-Turcs auraient-ils reussi a creer en Albanie une
veritable lutte de classe, pour abattre le regime feodal et l'influence
antagoniste des beys, c'est
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