aille et d'avoine pour les chevaux et du pain de mais
au voyageur. Apres une courte halte, nous continuons notre route en
longeant la montagne a 400 ou 500 metres au-dessus du fleuve; le sentier
n'est pas dangereux, mais tres mauvais par endroits, et les mechantes
montures que j'ai louees a El-Bassam heurtent a chaque pas; bientot la
pluie, menacante depuis quelques heures, se met a tomber; aussi est-ce
avec un plaisir extreme que nous parvenons vers une heure et demie au
village de Kouks, ou nous prendrons un peu de repos.
C'est le plus gros village entre El-Bassam et le lac d'Okrida; ses
maisons dispersees a mi-coteau sont entourees de terres bien entretenues
et de beaux paturages. Une route le reliait au pont sur le Scoumbi situe
cent metres plus bas, a trois quarts d'heure de marche environ; mais
elle est si pleine de trous, si labouree par les eaux qu'elle est
impraticable et que chacun descend du village au fleuve a travers champs
au hasard des pentes: nouvel exemple de l'incurie administrative
ottomane!
Nous devions en avoir un autre bien plus remarquable encore sans tardee;
a peine nous sommes-nous approches du fleuve, assez large en cet
endroit, que nous apercevons le pont rompu apres la troisieme pile; tout
le tablier et les autres piles gisent dans le lit, et leurs gros blocs
encombrent la riviere; aucune passerelle n'a ete construite et nous
devons traverser le fleuve a gue; par bonheur, le Scoumbi est aussi bas
que possible en cette saison, mais aux hautes eaux la route est
completement coupee.
C'est au pont que notre escorte d'El-Bassam et nos chevaux nous
quittent, pour etre remplaces par d'autres venus d'Okrida. Ceux qui sont
venus jusqu'ici ont ordre de ne pas franchir le fleuve, et mon drogman
et moi passons comme nous pouvons, nous et nos bagages, sur l'autre rive
avec l'aide de gens du pays que le mudir ou maire de Kouks nous envoie.
Ainsi transbordes, nous dejeunons frugalement pres de l'eau sous des
hetres. Mais l'heure s'ecoule, et, comme soeur Anne, nous ne voyons rien
venir sur la route d'Okrida. La position devient delicate; que faire
dans ce village sans la moindre ressource? et si nous attendons trop
longtemps, quand arriverons-nous? Apres maints pourparlers, le mudir me
fournit un ane, sur lequel on charge nos bagages et que conduira un
homme du pays. C'est tout ce que l'on peut trouver ici; un souvarys, mon
drogman et moi ferons la route a pied, jusqu'a ce que nous rencontrions
les ge
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