t national albanais || Le
sentiment commun.
A cinquante metres au-dessus de la vallee, sur le revers meridional de
la montagne de Krabe, la tekie des Becktachi d'El-Bassam etage ses
constructions au milieu des grands arbres qui revetent de verdure et
d'ombre toutes les pentes voisines.
Deux routes se reunissent au pied du monastere albanais; l'une vient
toute droite d'El-Bassam, distante d'a peine 3 kilometres; l'autre
contourne la petite colline de Kracht qui dresse son dome verdoyant sur
le cours du Scoumbi, le detourne et s'avance comme un eperon entre la
ville et le fleuve; la vallee, resserree de la source a la sortie des
montagnes, ne s'ouvre qu'en cet endroit pour former le bassin
d'alluvions dont la ville d'El-Bassam tire sans doute son nom.
Les constructeurs de monasteres ont toujours le sens des lieux et le
gout des sites favorables; aussi est-ce a l'entree de ce bassin, au
croisement des deux routes et les dominant, que la tekie a ete batie; de
sa terrasse le regard suit a l'est la vallee du Scoumbi; au sud il voit
encore le fleuve dont le lit fait un brusque coude au pied du monastere;
a l'ouest il se prolonge jusqu'aux pentes lointaines bornant les champs
de riz, de mais et de cereales, qui tapissent la plaine d'El-Bassam.
Le Congres albanais d'El-Bassam vient de finir; dans la cour de la
modeste maison ou il se reunit, les chefs ont fait deployer le drapeau
rouge surmonte du croissant et ils m'ont demande de les photographier
devant leur etendard. Puis l'un d'eux me dit comme pour me remercier:
"Je veux vous conduire a la tekie voisine; vous verrez, le site est
charmant et puis cela nous fera plaisir que vous visitiez le tombeau
venere de nos saints qui y reposent."
Kiamil bey m'entraine; il appelle un ami et un serviteur et ensemble
nous sortons de la ville; bientot nous approchons d'une pelouse unie;
comme fond, de grands arbres decoupent leur feuillage sur le ciel
adouci; derriere nous, le soleil couchant prolonge nos silhouettes
fantastiques et dore des pierres blanches nombreuses et pressees comme
une armee, droites et piquees en terre comme de minuscules mausolees;
dans leur rang, des cultivateurs passent de retour du travail et des
anes broutent sans hate dans la paix du soir. Kiamil me dit: "Voyez,
c'est notre cimetiere; nous le traversons pour aller a la tekie;
regardez cette grande pierre toute blanche qui vient d'etre taillee;
autour de celle-ci le sol n'est pas encore bien tass
|