st sans fenetre et ne s'ouvre que par une solide porte
cadenassee et triplement verrouillee; on n'accede au premier etage que
par un leger escalier de bois qu'on peut facilement rejeter et qui
permet d'en haut une defense possible; de tres petites fenetres comme
des meurtrieres presque au ras du plancher eclairent le premier etage;
la fumee du bois, qui petille dans l'atre, s'echappe par un simple trou
amenage au plafond; a terre des tapis, au mur des fusils et des armes,
dans les angles des ustensiles de menage completent l'aspect de cette
forteresse villageoise.
Kerine Karique remonte et nous causons; il s'excuse du temps qu'il a mis
a nous ouvrir; mais, dit-il, on ne saurait etre trop prudent; les bandes
parcourent le pays et, quoiqu'elles respectent en general les demeures
des paysans, on ne peut jamais en etre assure. Je lui demande s'il est
content de son sort, et il me repond qu'il ne saurait se plaindre de la
vie; ses terres sont bonnes, elles rapportent largement pour sa
nourriture et celle des siens et on l'a toujours laisse ramasser en paix
ses recoltes; il a une des meilleures maisons du village et tous le
considerent. Une seule chose l'inquiete, comme d'autres paysans avec
lesquels j'ai cause, c'est la defense faite de ne plus laisser paturer
dans les bois. Il ne sait pas grand'chose des evenements du dehors;
toutefois, de Durazzo a Monastir la route passe ici et les nouvelles
avec elle; d'ailleurs l'un des Albanais presents a travaille quelque
temps a Constantinople et voici qu'une ecole vient d'etre ouverte au
village avec un instituteur albanais volontaire.
Deja deux ou trois Albanais se sont enroules dans leurs vetements et
dorment de l'autre cote de l'atre; nous faisons encore une cigarette et
buvons notre derniere tasse de cafe; dans un angle a terre on place une
veilleuse et l'on recouvre de cendre les braises ardentes du bois qui
crepite; puis a notre tour nous nous etendons sur les tapis et l'on
n'entend bientot plus dans la chaumiere que le souffle regulier des
dormeurs.
Tout le monde est sur pied d'assez bonne heure le lendemain; nous
sortons dans le village, dont les maisons eloignees les unes des autres
bordent la route et s'etagent sur les pentes exposees au midi; le temps
est moins menacant et nous decidons de partir de suite; Kerine Karique
me dit adieu en portant ma main a son front et m'offre de beaux raisins
qui murissent sur une treille devant sa maison; je le remercie de son
hospi
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