qui survit dans l'ame populaire; c'est son etendard
que l'Albanie autonome est allee retrouver dans sa capitale de Kroia: le
drapeau ecarlate portant l'aigle noir a deux tetes; Ismail Kemal en a
ecarte la croix, Essad Pacha l'a fait surmonter du croissant, mais
chacun d'eux l'a pris comme le symbole vivant de la nation ressuscitee;
et quand celle-ci exprime tout son desir latent de liberte et veut
incarner sa foi en elle-meme dans un chant, c'est l'hymne grave et
digne, fier et triste de Scanderbeg qu'elle reprend; en elle revit alors
l'inconscient besoin de repeter par ces paroles d'antan les sentiments
qui animent l'ame nationale et l'appretent a la lutte:
O race de guerriers
Enfants de Scanderbeg,
Arrachez, o Albanais,
La liberte de la Patrie.
Assez d'esclavage,
O pauvre Albanie,
O freres, prenez le fusil;
Mort ou Liberte!
Aujourd'hui arborons notre drapeau,
Allons a la montagne;
Sur les pierres et les rocs
Nous gagnerons notre liberte.
La vie pour nous n'est que mensonge,
Comme mensonge est notre esclavage.
Comment pouvez-vous laisser l'Albanie
Sans liberte?
Tel est ce chant, dont j'essaie de reproduire aussi fidelement que
possible le tour et la noble allure; de ses quatre strophes, la seconde
sert de refrain et chaque couplet se termine ainsi sur le cri farouche:
Mort ou Liberte!
L'echo de la vallee vient de le redire pour la troisieme fois; sur cette
note derniere le chant melancolique s'est termine; le silence et le
calme se sont faits plus grands encore s'il est possible autour de la
tekie; le vent est tombe et pas une branche ne bouge; les acacias et
les lauriers remplissent l'air de leur senteur; les derniers rayons du
soleil dorent un berceau de vignes au bord de la terrasse; voici l'heure
du depart; le crepuscule est court et il faut etre a El-Bassam avant la
nuit; mais avant de regagner la ville avec mes compagnons, je me fais,
selon l'usage, ouvrir la porte du tombeau et je depose, d'apres la
coutume albanaise, l'obole de l'hote, les pieces de cuivre dans un tronc
amenage dans le mur, et les pieces d'argent sur le bois meme du
cercueil.
Et comme les moines expriment leurs voeux de longue et heureuse vie au
"Franc" venu d'au dela des mers pour voir ses cousins d'Albanie, je leur
souhaite un nouveau Scanderbeg qui ressuscite tout ce que j'ai vu en eux
d'aspiration, de sentiment et d'ideal pendant ces h
|