maitre musulman et albanais; ici, cultivateurs et
beys sont de meme religion et de meme origine; aussi le regime feodal
est-il attenue dans une tres forte mesure.
Dans la vallee de Tirana, par exemple, il n'y a que les beys pauvres
residant continuellement sur leur terre qui exigent du paysan la moitie
de la recolte; tous les riches proprietaires ne demandent que le tiers.
A cote des metayers, Refik emploie des journaliers, des ouvriers
agricoles, soit quand le besoin s'en fait sentir, soit pour mettre en
valeur certaines terres sans metayage; le prix moyen de leur journee est
de 5 piastres, soit 1 fr. 25 environ, somme qui d'ailleurs represente un
pouvoir d'achat beaucoup plus grand qu'en Occident; en outre, on leur
doit un ocre de pain de mais et une portion de fromage ou 20 paras pour
en acquerir; les terres de Refik s'etendent sur un espace dont la
circonference peut etre parcourue en trois heures de temps environ. Il y
cultive du riz, qui pousse d'une facon parfaite, du mais dont la recolte
est la plus importante; il m'en montre les magnifiques tiges, qui n'ont
leurs pareilles que dans la Macedoine et en Vieille-Serbie; l'avoine et
l'orge viennent aussi assez bien; il possede egalement de grandes forets
et de beaux paturages. Ces derniers sont loues a part a des paysans; le
bey en effet n'a pas de betail, qui appartient aux metayers et aux
cultivateurs independants; les uns et les autres louent ces herbages a
Refik qui recoit d'eux de ce chef 120 livres turques.
Au total ses fermes lui rapportent, me dit-il, bon an mal an, 1 000
napoleons; il fait vendre ses produits a Tirana et a Durazzo et cherche
a introduire de nouvelles methodes de culture; mais, me confesse-t-il,
il faudra sans doute des dizaines ou des centaines d'annees pour ouvrir
les yeux a ces gens, qui s'obstinent a travailler selon les anciens
systemes.
C'est a cette population de metayers et de cultivateurs que les
Jeunes-Turcs avaient fait appel pour resister aux beys et par leur appui
imposer aux Albanais l'usage de la langue turque; si singulier que soit
le procede, il faillit reussir; les emissaires des Jeunes-Turcs
disaient: "Voyez, le bey vous pressure, il vous demande une trop grosse
partie de la recolte, un fermage trop eleve pour vos paturages, il a
vole cette terre a vos ancetres; nous les mettrons a la raison, mais
pour vous faire comprendre de nous, pour que vos plaintes nous
parviennent et que nous puissions y faire droit, il faut
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