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eux, la ville est entierement cachee et, a deux cents metres, on ne
voit que leur epais feuillage et une herbe verte et fraiche qui denonce
l'eau courante.
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Non loin de la est la propriete de la famille d'Essad Pacha. Essad
Pacha, mis a l'ordre du jour de l'Europe par son traite avec le roi
Nicolas de Montenegro et la reddition a celui-ci de Scutari, par sa
proclamation pretendue comme chef de l'Albanie et son voyage en Italie
et en Europe, n'etait, quand je le visitais, que le chef des Toptan.
Mais les Toptan sont parmi les beys d'Albanie une des familles les plus
illustres et les plus anciennes; comme celle des Vlora a Vallona, comme
celle des Bagovic a Ipek, comme celle des Djenak en Mirditie, comme
celle des Bitchaktchy a El-Bassam, celle des Toptan domine de sa
puissance, de sa richesse, de ses relations et de son anciennete Tirana
et toute sa region; parmi cette feodalite terrienne d'Albanie, dont les
chefs les plus influents sont Ismail-Kemal, Zenel bey, Pernk Pacha,
Derwisch bey, une place a part merite d'etre faite a Essad Pacha.
J'etais introduit aupres d'un des membres principaux de la famille,
Refik bey Toptan, et je devais me rendre avec lui au congres albanais
d'El-Bassam; a la veille de son depart pour cette derniere ville, nous
allons ensemble chez son cousin Essad; la demeure de celui-ci est aux
portes de Tirana: une pelouse immense, quelques arbres, une maison basse
et longue presente un aspect de grande ferme cossue et vaste; la-bas,
sous un chataignier, Essad Pacha est assis avec quelques familiers; il
vient de subir un accident, garde encore la jambe allongee et peut
difficilement faire quelques pas.
Correctement vetu a l'europeenne, le fez sur la tete, une longue canne
mince a tete d'or a la main, il apparait dans toute la force de l'age.
Il a a peine depasse la quarantaine; de taille moyenne, les yeux
percants, il ne manque assurement ni d'intelligence, ni meme d'astuce;
mais sa culture parait tres rudimentaire et il n'a meme pas ce vernis
qu'a donne a son cousin Refik le contact des choses d'Occident et la
vision directe de nos villes et de notre civilisation. On sent en lui
l'homme de guerre, energique, determine, brutal, mais moins delie
peut-etre que d'autres beys d'ici ou d'ailleurs.
Quand je visitais Essad, c'etait la lutte entre Albanais et
Jeunes-Turcs; ceux-ci avaient d'abord use de la douceur et de la
flatterie, puis avaient cru pers
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