'El-Bassam est une date:
c'est le premier congres dont l'initiative appartient a des Albanais,
qui ont voulu affirmer leur nationalite au centre de leur pays. Ils sont
la une cinquantaine de delegues, tous gens influents dans leur ville,
venus pour se concerter dans un meme esprit, celui de defendre et
propager l'idee nationale albanaise; voici Midhat bey, un fonctionnaire
du gouvernement de Salonique, directeur d'un journal albanais de cette
ville, sous le pseudonyme de Luma Skendaud, et representant le club de
Constantinople et celui de Salonique; voici Refik bey, de Tirana,
delegue par le club de Tirana avec un hodja et un paysan; voici Kyrias,
delegue de Monastir, qui m'interpelle en anglais et me presente une
carte ou est inscrit: "George D. Kyrias, _sub-agent of the B. and F.B.
Society and Honorary Dragoman of the Austro-Hungarian Consulate_"; voici
Alex, le delegue de Cavaja, un Albanais de religion orthodoxe, qui parle
un peu francais et est representant d'une maison de machines
americaines; voici des hodja, des paysans, des commercants, des beys;
mais ce sont les beys qui ont pris la direction et la tete du mouvement
et du congres, qui le dominent et qui l'inspirent.
C'est que ce congres est compose de delegues des clubs albanais
existants. Or ces clubs sont l'armature du nationalisme albanais; ils
ont ete crees et demeurent sous l'influence des beys. La revolution
jeune-turque, qui a laisse etablir des clubs de toute nationalite dans
l'empire, a ainsi ete indirectement la cause de la renaissance des ces
nationalites, qu'elle pretendait absorber dans la communaute ottomane;
chez les Albanais, depuis 1908, plus d'une centaine de clubs ont ainsi
ete crees dans les villes et villages; il y en a eu de tres puissants et
frequentes a Uskub, a Salonique, a Constantinople, ou fut longtemps le
club central que presidait le Dr Temos, puis, sur tout le pourtour de
l'Albanie, de Janina a Monastir et a Kalkandelem; a l'interieur du pays,
le centre et le sud en furent parsemes; a partir de 1909, les
Jeunes-Turcs chercherent tous les pretextes pour les fermer comme a
Vallona, comme, a Tirana; mais le mouvement etait lance, il ne pouvait
etre arrete; a El-Bassam, par exemple, sont organises deux clubs ayant
le meme statut, le club Bachkim et le club Vlaznij; ils comptent un
millier de membres et sont diriges par un bureau de sept personnes.
Chaque membre paie un droit d'entree, qui est une sorte de don, selon sa
richesse; il
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