ssionnement son camarade, comme on aime a cet
age-la, pour le plaisir de se quereller et de se raccommoder.
Bien qu'elle fut tetue comme une petite bourrique, elle avait un coeur
tres tendre, et il suffisait de parler du commissaire pour la faire
obeir.
On etait a peine arrive a Corbigny qu'une nouvelle soeur vint au monde.
Mimile avait tout juste dix-huit mois, et cela fit bien des berceaux
dans la cabine, bien de la besogne aussi; car, avec toutes les charges
que l'on avait, il n'etait pas possible de payer une servante.
La mere Louveau bougonnait a faire trembler la jambe de bois de
l'equipage.
Personne ne la plaignait dans le pays. Meme, les paysans ne se generent
pas pour dire leur facon de penser a M. le cure qui proposait le
marinier pour exemple.
"Tout ce que vous voudrez, monsieur le cure, ca n'a pas de bon sens,
quand on a trois enfants a soi, d'aller ramasser ceux des autres.
"Mais les Louveau ont toujours ete comme cela."
"C'est la gloriole qui les tient, et tous les conseils qu'on leur
donnera ne les changeront pas."
On ne leur souhaitait pas de mal, mais on n'aurait pas ete fache qu'ils
recussent une lecon.
M. le cure etait un brave homme sans malice, qui devenait aisement de
l'avis des autres, et finissait par se rappeler un passage de l'Ecriture
ou des Peres pour se rassurer lui-meme sur ses revirements.
"Mes paroissiens ont raison, se disait-il en passant la main sous son
menton mal rase.
"Il ne faut pas tenter la divine Providence."
Mais, comme a tout prendre, les Louveau etaient de braves gens, il leur
fit, a l'ordinaire, sa visite pastorale.
Il trouva la mere taillant des culottes pour Victor dans une vieille
vareuse, car le mioche etait arrive sans bagage et la menagere ne
pouvait souffrir des loques autour d'elle.
Elle donna un banc a M. le cure, et comme il lui parlait de Victor,
insinuant que, peut-etre, avec la protection de Monseigneur, on pourrait
le faire entrer a l'orphelinat d'Autun, la mere Louveau, qui avait son
franc-parler avec tout le monde, repondit brusquement:
"Que le petit soit une charge pour nous autres, ca c'est sur, monsieur
le cure; m'est avis que, en me l'apportant, Francois a prouve une fois
de plus qu'il n'etait pas un aigle.
"Je n'ai pas le coeur plus dur que le pere; si j'avais rencontre Victor,
ca m'aurait fait de la peine, pourtant je l'aurais laisse ou il etait.
"Mais maintenant qu'on l'a pris, ce n'est pas pour s'en defaire, et,
|