evis et la poterne, il fallait, pour se
rendre a la chapelle, traverser la premiere cour, pleine de carrosses,
de valets, de chaises a porteurs, toute claire du feu des torches et de
la flambee des cuisines. On entendait le tintement des tournebroches, le
fracas des casseroles, le choc des cristaux et de l'argenterie remues
dans les apprets d'un repas; par la-dessus, une vapeur tiede, qui
sentait bon les chairs roties et les herbes fortes des sauces
compliquees, faisait dire aux metayers, comme au bailli, comme a tout le
monde:
"Quel bon reveillon nous allons faire apres la messe!"
II
Drelindin din!... Drelindin din!...
C'est la messe de minuit qui commence.
Dans la chapelle du chateau, une cathedrale en miniature, aux arceaux
entre-croises, aux boiseries de chene, montant jusqu'a hauteur des murs,
les tapisseries ont ete tendues, tous les cierges allumes. Et que de
monde! Et que de toilettes! Voici d'abord, assis dans les stalles
sculptees qui entourent le choeur, le sire de Trinquelague en habit de
taffetas saumon, et pres de lui tous les nobles seigneurs invites. En
face, sur des prie-Dieu garnis de velours, ont pris place la vieille
marquise douairiere dans sa robe de brocart couleur de feu, et la jeune
dame de Trinquelague, coiffee d'une haute tour de dentelle gaufre a la
derniere mode de la cour de France. Plus bas on voit, vetus de noir,
avec de vastes perruques en pointe et des visages rases, le bailli
Thomas Arnoton et le tabellion maitre Ambroy, deux notes graves parmi
les soies voyantes et les damas broches. Puis viennent les gras
majordomes, les pages, les piqueurs, les intendants, dame Barbe, toutes
ses clefs pendues sur le cote a un clavier d'argent fin. Au fond, sur
les bancs, c'est le bas office, les servantes, les metayers avec leurs
familles; et enfin, la-bas, tout contre la porte qu'ils entrouvrent et
referment discretement, messieurs les marmitons qui viennent entre deux
sauces prendre un petit air de messe et apporter une odeur de reveillon
dans l'eglise tout en fete et tiede de tant de cierges allumes.
Est-ce la vue de ces petites barrettes blanches qui donne des
distractions a l'officiant? Ne serait-ce pas plutot la sonnette de
Garrigou, cette enragee petite sonnette qui s'agite au pied de l'autel
avec une precipitation infernale et semble dire tout le temps:
"Depechons-nous, depechons-nous... Plus tot nous aurons fini, plus tot
nous serons a table." Le fait est que chaque fois qu'e
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